2 mars 2015

Takahata, Kondo, Miyazaki sont dans un studio

Jarinko Chie (Kié la petite peste), Isao Takahata, 1981
Un très joli film. On y rit souvent de bon cœur, ce qui n'empêche pas le ton de parfois devenir grave, voire assez osé par les thèmes abordés. C'est rare de voir un dessin animé selon toute apparence destiné aux enfants proposer une famille aussi peu conventionnelle. Jusqu'à la fin, le père reste ainsi un gros bras bon à rien et infantile. Takahata sait  cependant parfaitement doser la caricature et la méchanceté, il montre bien vite qu'il n'y a pas de manichéisme (cf. les yakuzas). Les autres personnages sont très rigolos et souvent touchants. La petite Kié est dotée d'une belle énergie, et le film offre à l'arrivée un magnifique portrait de l'enfance, d'une finesse et d'une subtilité très maîtrisées. En cela, c'est un travail tout à fait digne de celui que le réalisateur accomplira bientôt sur le bouleversant Tombeau des lucioles et le pétillant Mes voisins les Yamada.

Techniquement, décors et animation n'ont rien d'exceptionnels, se contentant surtout de rester au niveau des personnages. Mais les dessins sont très chouettes, certaines têtes étant vraiment marrantes. Bon, s'il faut l'avouer, ce qui m'a fait le plus délirer ce sont ces chats kung fu fighters et leurs improbables histoires de couilles (dit comme ça, ça peut paraître bizarre mais on est déjà moins étonné si on a vu le génial Pompoko, du même Takahata). Autre petit plaisir personnel, l'insert complétement inattendu du Son of Godzilla...





Mimi wo sumaseba (Si tu tends l'oreille), Yoshifumi Kondo, 1995
Tout le savoir-faire du studio Ghibli est réuni dans ce petit bijou aux ambitions apparemment modestes mais bougrement attachant. On y suit le quotidien d'une jeune collégienne passionnée par les livres. Son éveil au sentiment amoureux est traité avec autant de vérité que de délicatesse, avec des scènes toutes simples qui tournent au miracle : une chanson improvisée, une déclaration d'amour insoupçonnée, le poids d'un souvenir éternel, la compréhension paternelle, le plaisir de sentir le soleil sur sa peau... Grâce à la subtilité de l'animation qui fait passer la moindre émotion sur les beaux visages des personnages, grâce au sens du détail des décors urbains, grâce à un score d'une belle richesse, tous ces petits riens qui finissent par composer un univers qui captive très vite le spectateur.

Miyazaki en a signé storyboard et scénario. Kondo fut quand à lui l'un des piliers de Ghibli, responsable de l'animation sur quasiment tous les films du studio. Ce sera son unique réalisation de long-métrage, il décédera brutalement trois ans plus tard alors qu'il s'annonçait comme le digne héritier de Miyazaki et Takahata.





Sen to Chihiro no kamikakushi (Le Voyage de Chihiro), Hayao Miyazaki, 2001
Je ne l'avais pas revu depuis sa sortie. J'ai retrouvé toutes les sensations et les émotions que le film m'avait alors procuré, avec peut-être encore plus de force et de beauté. En effet, j'avais vécu sa découverte en salle comme un véritable rêve, complétement fasciné par ce qui se déroulait à l'écran, acceptant très vite d'abandonner la quête d'une quelconque logique. Le retour à la réalité de la rue avait alors été particulièrement rude.

Cette fois, j'ai pu m'attacher davantage à l'intrigue et aux raisons d'être des personnages. Miyazaki propose un délire à peine contrôlé (il ira pourtant bien plus loin dans le manque de rigueur sur ses films suivants), et pourtant les aventures de la jeune Chihiro nous apparaissent incroyablement touchantes et justes. J'ai su cette fois mettre des mots sur l'état de grâce qui avait été le mien en quittant la salle un soir de décembre. On quitte le film comme Chihiro quitte ce lieu magique, jetant un dernier regard sur ce monde, théâtre de mille épreuves et de dangers qui l'ont amenée à se dépasser, à faire preuve de courage, à découvrir le sens du partage et l'amour. Comme elle, on ressent à la fois de la tristesse et de la joie au souvenir d'une experience qui appartient désormais au passé mais qui demeurera en nous pour toujours (le bref éclat de lumière sur l'élastique de ses cheveux, à la toute fin).

Techniquement, le film est une splendeur de tous les instants. L'animation acquiert une liberté rare. Et la musique d'Hisaichi parvient une nouvelle fois à une somptueuse harmonie. Je pense qu'on a là le summum de l'art du Maestro Hayao (en attendant Le Vent se lève).




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