2 juin 2016

Deux enfants de Luigi Comencini

L'Incompreso (L'Incompris), 1966
L'un des films les plus redoutablement lacrymaux qu'il m'ait été donné de voir, de ceux qui par les émotions qu'il procurent me font tout simplement dire : "Vive le cinéma". J'estime qu'il y a en chaque spectateur un masochiste qui s'assume, prêt à affronter des histoires qui n'ont pas pour but de le divertir, de lui faire passer un bon moment, mais bien plutôt un beau moment. Face à cet Incompreso, immanquablement, je me noie dans mes sanglots au point que c'en est véritablement douloureux. Certaines scènes fonctionnent comme des coups de poignards au cœur, saisissant le spectateur comme le jeune protagoniste dans la soudaine conscience d'un présent dépeuplé.  

Le mélodrame est un genre à risque. Ça passe ou ça casse, mais quand ça passe, on a alors affaire à un véritable joyau. Et Comencini parvient à glisser là-dedans des scènes de vraie drôlerie qui laissent encore résonner ce que l'enfance à conservé d'innocence (le cynisme faussement blasé de l'Oncle Will, le déjeuner avec les étudiants du Niger).

J'ignore quelle a été la méthode du réalisateur pour parvenir à diriger ses deux jeunes acteurs, qui apparaissent ici avec un naturel confondant, une mâturité dans l'interprétation presque dérangeante parce qu'ils ne donnent jamais l'impression de jouer, c'est-à-dire de tricher dans l'expression de leurs sentiments. Stefano Colagrande (Andrea) et Simone Giannozzi (Milo) ne feront d'ailleurs pas d'autres films et rejoignent ainsi dans l'imaginaire cinéphile l'inoubliable figure du fils du Voleur de bicyclette de De Sica. Ce qu'on voit à l'écran est juste prodigieux. Enfin, que dire de ce dernier plan, génial, bouleversant, évident, qui vous abandonne, terrassé par tant de beauté et d'émotion.




Un ragazzo di Calabria (Un enfant de Calabre), 1987
Un joli petit film où Comencini impose une fois de plus la formidable justesse de son regard sur l'enfance. Au sein d'un paysage absolument magnifique (Nature sèche, vieilles pierres sur la colline), le jeune Mimi s'efforce de donner libre cours à son rêve, contre l'avis de son père, homme rustre. Entre ses études et l'aide à la ferme, le gamin a la bougeotte. Dès qu'il a un moment — et même quand il n'en a pas, il s'arrange pour en trouver — il retire ses godillots et se met à courir, profitant de la route serpentine qui descend du village pour dépasser le car scolaire. 

Il aura par la suite l'occasion de participer à des marathons locaux, et sera soutenu dans sa quête par le paria du village, un boîteux athée et communiste interprété avec beaucoup de cœur par Gian Maria Volontè. Malgré ses échecs, malgré ses victoires, Mimi reste avant tout un enfant, et il devra trouver sa place au milieu du destin que rêvent pour lui les adultes.

Évidemment bien loin d'être une success story à l'américaine, le film sait vraiment s'attarder sur les moments qui font sens. On sent que Comencini est parfaitement maître de ses moyens et de sa technique. Ne versant jamais dans l'emphase qui pourrait menacer un tel sujet, il prend au contraire bien soin de caractériser ses personnages avec un vrai naturel, le tout baignant dans une touchante nostalgie liée à l'époque et à cette atmosphère de ruralité, sans dramatisation abusive ni idéalisation. La fin peut paraître au premier abord un peu sèche, mais elle permet de laisser exister ce petit monde longtemps encore dans la tête du spectateur.

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