12 juillet 2016

Histoire permanente du cinéma français 1972-1973

Le Tueur, Denys de La Pattelière, 1972
En l'état, le film de De La Pattelière est un polar assez peu excitant, même s'il comporte de jolies scènes au rythme bien posé et des dialogues parfois inspirés. Mais la traque gangster/flic est narrée sans grande conviction, et la confrontation tant attendue n'aura pas lieu. Gabin joue un inspecteur en pantoufles et semble vraiment annoncer par là le personnage de l'inspecteur Derrick : la scène la plus dangereuse du film le voit en effet plier ses chemises dans sa chambre d'hôtel et installer précautionneusement son petit radio-réveil de voyage sur sa commode. Pour le reste, on assiste aux inévitables prises de bec pour des questions de méthode avec son supérieur Bernard Blier, scènes qui font gentiment sourire par leur artificialité.

Pour le reste, on se contentera d'apprécier les vues pittoresques de ce Paris qui n'existe plus, avec notamment le chantier de construction de la Tour Montparnasse et les Halles en train d'être rasées. Et ce n'est pas la présence d'un Depardieu en quasi-figurant qui suffira à dissiper davantage notre torpeur.



 
Les Granges brûlées, Jean Chapot, 1973
Fantastique ouverture avec cette image saisissante d'un chasse-neige sortant des ténèbres, et le thème électro-lyrique très réussi de Jean-Michel Jarre (ses autres compos plus destructurées passeront malheureusement moins bien, cf. la scène embarassante de la guinguette). Ça pose d'emblée une atmosphère insolite et un rythme envoûtant.

Les Granges brûlées c'est à la fois une enquête policière au ralenti, une étude sociologique et un drame familial, le tout situé dans le cadre original des paysages enneigés du Haut-Doubs. Et l'environnement a ici une place primordiale, le flic Delon étant plongé dans un monde autre, peuplé de gens différents, paysans soumis à de rudes conditions de vie. Ça donne notamment lieu à des scènes très fortes par leur apparence d'authenticité, avec des autochtones bien avinés. De son côté, Signoret trouve là un rôle en or supplémentaire. En mère de famille, chef de foyer, elle est tout simplement impériale et c'est un régal de voir son talent à l'œuvre, toute les subtilités d'expression qui passent dans son regard, ses postures. Bernard Le Coq tout jeunôt tient lui aussi plutôt bien la route en fougueux rebelle. Delon lui n'a pas grand chose à jouer et il le fait très bien. Son personnage n'est pas du tout développé, observateur avant tout qui s'acharne un peu sur ses suspects comme Columbo, mettant progressivement à jour des douleurs trop longtemps rentrées. Bref, il ne se passe pas grand chose, et pourtant ça reste fascinant. 

Un vrai bon film, résultat d'autant plus étonnant quand on sait que Chapot a quasiment démissionné du plateau et que Delon a repris la mise en scène. Le makingof présent sur le dvd est à cet égard édifiant. Le plus étonnant, c'est que le résultat final ne souffre pas particulièrement de ces conditions de tournage rocambolesques. La mise en scène ne fait pas d'étincelles mais s'avère tout à fait maîtrisée et sert très bien le scénario et les acteurs, conservant tout du long une belle cohérence formelle.


 



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