29 août 2016

The Newsroom, 2012-2014

The Newsroom, 2012-2014
Une série créée par Aaron Sorkin, 3 saisons
Avec : Jeff Daniels, Emily Mortimer, Sam Waterston, John Gallagher Jr., Alison Pill, Thomas Sadoski, Olivia Munn, Jane Fonda...



Plaçant toujours The West wing au sommet des séries télévisées vues, et client satisfait de la patte Sorkin sur les films qu'il a écrits (Charlie Wilson's war, The Social network), j'avais été a priori emballé par le sujet de The Newsroom, qui met en scène la vie d'une rédaction d'une chaîne info, ou du difficile mariage de l'éthique journalistique et des contraintes d'audience. Après un démarrage hoqueteux, le visionnage de la première saison fut assez vite jubilatoire. 

Abordant des sujets tous plus passionnants les uns que les autres, les épisodes sont remarquables d'intelligence, Sorkin ayant toujours cette tendance à ne peindre que des personnages brillants, maîtres de la rhétorique. Le scénariste, à l'œuvre sur toute la saison, a de plus clairement pour ambition de faire de son show un gros paquebot d'engagement citoyen. Le ton pourra paraître très moralisateur, mais il s'agit de dénoncer par les faits et la logique l'hypocrisie que laquelle repose un certain système politique, se nourrissant de calomnie, d'approximations, de mensonge et d'imposture. Ça balance quasiment à 100% contre le populisme républicain incarné par le Tea party, et il y a sans doute beaucoup d'allusions qui vus d'ici nous échappent. Ne connaissant que trop peu les noms cités, je n'ai par exemple pas toujours su percevoir lorsqu'il s'agissait d'authentiques personnalités ou de personnages de fiction, mais les thèmes abordés sont complètement dans l'actualité et c'est assez bluffant de constater à quel point Sorkin ne semble pas s'autocensurer. J'imagine un service juridique en béton derrière lui pour assurer que la série ne joue pas trop avec le feu et que son audace ne lui coûtera pas de procès (ou alors le sacro-saint Premier amendement suffit).


Le show alterne de façon pas toujours harmonieuse, il faut le reconnaître, entre séances de travail de la rédaction — souvent passionnantes — et sacs de nœuds sentimentaux. La façon dont les personnages s'intéressent aux histoires des uns et des autres parait en effet parfois un peu forcée, comme s'il s'agissait d'une contrainte commerciale imposée par la chaîne. Contrairement à ce qu'on pourrait espérer, cette façon de faire ne s'arrangera pas au fil des saisons, où l'on verra se multiplier les coïncidences énormes, grosses ficelles qui font que tout se goupille trop bien. Sur ce plan-là, on ne cherche alors plus vraiment la surprise, on se laisse porter en se contentant de compter le nombre d'épisodes nécessaires au scénariste pour faire tomber l'un(e) dans les bras de l'autre. Heureusement, cette construction parfaitement artificielle est brodée avec du fil d'or. Aussi peu convaincant soit-il, le moindre de ces passages est porté par le talent de dialoguiste du feuilletoniste, à base de punchlines irrésistibles, et c'était aussi ce que j'étais venu chercher. Si de plus on accepte de considérer ces ressorts comme relevant des codes de la comédie romantique, ça devient assez rapidement délectable. De ce point de vue-là, la deuxième saison se boucle certainement de façon trop idéale, mais je vois ça comme un cadeau fait au spectateur pour sortir de là avec la banane. L'émotion n'est pas en reste, et très vite la solidarité qui existe au sein de ce petit groupe nous emporte, en particulier grâce à ces moments rares mais toujours efficaces où une chanson vient emballer toute une séquence. 


La qualité des dialogues ne serait évidemment pas grand chose sans les interprètes chargés de leur donner voix. J'ai toujours eu une sympathie inexpliquée pour Jeff Daniels, même si je n'ai pas grand chose à défendre d'une carrière assez illisible. Du coup, le voir honoré d'un tel rôle de lead m'a fait gentiment plaisir. Autour de lui, le casting est solide, chaque acteur ayant une palette bien à lui, parfois très théâtrale mais plaisante. Ça se gâte un peu dès qu'on atteint le troisième cercle des personnages, avec des comédiens qui font le job sans pour autant briller. Progressivement, Daniels semble un peu plus en retrait, incarnant plus que jamais le pivot autour duquel s'agitent les membres de la rédaction, et c'est précisément la symbiose entre tout cet ensemble qui est au cœur du show. Ce qui aboutit mine de rien à des épisodes virtuoses où l'action est conduite en quasi temps réel, où l'on alterne entre scènes de plateau et coulisses, et où rien n'est cloisonné, toutes les intrigues se nourrissant les unes les autres sur un rythme de fou dans une atmosphère limite irrespirable. Cette virtuosité devient franchement affolante quand en plus de ça Sorkin se permet de jouer avec la temporalité, en basculant des réunions de rédaction à ce que ça donne une fois à l'antenne. Il serait intéressant de pouvoir accéder à ses scripts, afin de se rendre compte à quel point le scénariste prévoit déjà le montage des épisodes. 


La saison 2 démarre un peu brutalement, en nous balançant à la figure une situation qui a déjà dégénéré. Il va ensuite s'agir, via flashbacks, de nous dévoiler l'enchaînement des causes qui ont mené à cet état. C'est très acrobatique et risqué, mais ça donne une formidable tension au récit, puisqu'à chaque fois qu'on repère un des éléments présenté au départ comme ayant participé au désastre, on fait encore plus preuve d'attention, avec l'impression d'avoir un temps d'avance sur les personnages. Toujours aux manettes, l'auteur-citoyen Sorkin a par la force de choses moins de temps à consacrer à ses dénonciations des hypocrisies politiques, mais il reste encore suffisamment de piques aux arguments imparables.

On pourra légitimement considérer la troisième et dernière saison comme un galop de trop. Le nombre d'épisodes est ici carrément réduit à 6, et Sorkin délaissant tout ce qui faisait le sel de la série, l'éclairage sur le travail d'une rédaction et les dilemmes moraux des journalistes qui l'animent. Ces enjeux semblent en effet avoir pratiquement disparu, au profit d'un récit bien plus banal où il est question de complot et d'espionnage. On part donc sur de nouveaux codes, et ce n'est plus tout à fait ce qu'on était venu chercher au départ (et qu'on avait trouvé). On ne manquera d'ailleurs pas de s'étrangler face au traitement absurde de certains personnages, qui changent du tout au tout de comportement, anciens ennemis retors devenus désormais les meilleurs alliés, compréhensifs et fiables. Une fois avalées ces couleuvres, l'efficacité de l'écriture parvient heureusement à reprendre un peu le dessus, les personnages ne manquant pas de caractère, avec un Jeff Daniels toujours impérial. Et ce seront donc des moments creux, ceux qui n'ont pas pour fonction de faire avancer l'intrigue, que l'on obtiendra le plus de satisfaction, en particulier lors du dernier épisode qui réussit à être drôle et touchant, là où il aurait pu se permettre d'être sentencieux et lourd. Bref, un coda dispensable, à réserver vraiment aux fans, mais qui rétrospectivement ne viendra pas gâcher le très agréable souvenir que laisse The Newsroom.



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