12 septembre 2016

Les Films de Richard Fleischer IV. 1958-1961

Compulsion (Le Génie du mal), 1958
Tourné pour Darryl Zanuck Productions dans un classieux scope noir et blanc, le film s'impose dès son ouverture comme une magistrale réussite. Il s'agit à nouveau, après The Girl in the red velvet swing, d'une affaire criminelle réelle, située dans les hautes sphères de la société du Chicago des années 20. Les mêmes faits avaient lointainement inspiré le couple de criminels de La Corde d'Hitchcock et plus tard Barbet Schroeder et son Calculs meurtriers.

Comme à son habitude, Fleischer s'efforce de coller aux faits, laissant dans l'ombre ce qui doit y rester, ne craignant pas de susciter le malaise auprès du spectateur, plutôt que la satisfaction cathartique de voir le mal simplement condamné. Il démontre tout son talent dans ce qui est avant tout une remarquable étude de caractères, avant de basculer en un réquisitoire bouleversant contre la peine de mort. Bradford Dillman compose un personnage fascinant, véritable monstre d'intelligence et de froideur meurtrière. Il est accompagné par un tout jeunôt Dean Stockwell qui livre une interprétation vraiment convaincante, tandis qu'Orson Welles et son faux nez, dans le rôle de l'avocat de la défense, assurent le morceau de bravoure du film avec une plaidoirie qui doit bien durer un bon quart d'heure, et où à aucun moment l'attention du spectateur ne se relâche. Dans le rôle du juge, E.G. Marshall est lui aussi excellent.

Par le problème moral qu'il pose et par sa reconstitution aussi méticuleuse que passionnante des procédures judiciaires, le film m'a pas mal fait penser au Rampage (Le Sang du châtiment) de William Friedkin. Toutes les scènes d'interrogatoire chez le juge, où les assassins s'efforcent de brouiller les pistes, véritables duels de cerveaux, sont vraiment géniales, donnant lieu à des fulgurances de mise en scène qui laissent pantois, prouvant à quel point le réalisateur est inspiré par son sujet. L'absence quasi totale de musique renforce l'apparente froideur de l'approche du cinéaste qui accorde une belle attention même à ses personnages secondaires, comme par exemple ce couple d'amis des meurtriers.



Crack in the mirror (Drame dans un miroir), 1959
Zanuck a flashé sur Juliette Gréco et veut à tout prix en faire une star.  Tandis que leur relation scandalise les États-unis et la France, il l'impose dans une poignée de gros films qu'il produit alors pour la Fox, que ce soit chez Huston, ou chez Fleischer, qui va la diriger à deux reprises : sur Crack in the mirror, donc, et The Big gamble (que je n'ai pas vu, et qui semble évoquer un croisement entre African queen et Le Salaire de la peur)Après le brillant Compulsion, Crack in the mirror se présente à nouveau comme un film de procès tourné à Paris. 

Une de ses particularités, bizarre licence poétique sans doute suscitée par sa couleur européenne, est de faire jouer des doubles rôles à un même trio d'acteurs : Orson Welles (ici vraiment excellent, aussi crédible en ouvrier salaud qu'en célébrité du barreau), Juliette Gréco (pas très bonne mais qui fait de louables efforts) et Bradford Dillman (en amant criminel ET avocat aux dents longues). Le jeu de miroir est intéressant mais complétement sous-exploité, ne concernant finalement que la symétrie de sentiments. À aucun moment, alors que les personnages sont amenés à se rencontrer, le film ne s'amuse à jouer de leur ressemblance physique.

L'intrigue proprement dite est sans réelle surprise mais ménage néanmoins un suspense qui fonctionne, nourri par une partition très riche de Maurice Jarre (on y reconnaît même les accents du thème principal de Lawrence d'Arabie qu'il composera trois ans plus tard). Loin de jouer sur la corde sensible, le film s'apparente surtout à un cruel jeu de massacre, tellement les personnages sont fourbes et portent le mensonge au rang d'art. La fin est néamoins très belle, amère, avec un Orson Welles qui se décompose de façon très émouvante. Un film étrange, presque auteurisant dans ses prétentions et sans doute produit pour de mauvaises raisons, mais une curiosité qui se laisse voir.




Barabbas, 1961
Chronique précedemment postée ici, dans le cadre de ma retrospective sur Jésus au cinéma...


















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