29 septembre 2014

Fin de semana en la Rioja

Archive d'octobre 2007...





Let my people go !


The Ten commandments (Les Dix commandements), Cecil B. De Mille, 1956 
Un film que l'inconscient collectif rattache à notre enfance et aux multidiffusions de fin d'année. J'avais précédemment proposé le passage en revue d'une sélection de chouettes péplums.

22 septembre 2014

Coup de cœur pour Françoise Hardy

Devenue star du jour au lendemain avec son tout premier 45t, Tous les garçons et les filles, — un classique instantané — Françoise Hardy construit depuis plus de 40 ans une œuvre profondément personnelle et cohérente. Elle compose et écrit la plupart du temps elle-même, s'accompagnant à la guitare, et ceci joue sans doute pas mal dans le fait que ses chansons me touchent, parce qu'on y devine une voix et des pensées en parfait accord avec la sincérité de leur auteur. Un ton qu'on retrouvera intact dans son indispensable autobiographie.

Sale+Loeb

C'est avec ce Hulk grey que j'ai découvert le dessin de Tim Sale et en suis devenu instantanément fan. J'ai eu, plus récemment encore, le plaisir de baver des yeux devant les somptueux visuels qu'il a fournis pour la première saison de la plus que recommandable série Heroes.

On pourrait qualifier son style d'expressionniste, remarquable pour son incroyable liberté de trait, qui sait aller à l'essentiel sans perdre de sa force, et une harmonie parfaite entre la case et la page qui composent au final une narration toute en mouvements, d'un superbe dynamisme. La mise en couleur elle-même est pleine de personnalité, en particulier dans ce bouquin-ci, Hulk Grey, avec ses emplois aussi pertinents que réussis de la couleur directe.


L'histoire raconte en gros les premiers pas du héros. Dans une démarche ouvertement nostalgique (bien qu'il m'ait semblé percevoir l'influence du film d'Ang Lee sur certains parti-pris), elle s'intercale précisément entre les deux premiers épisodes originels de Stan Lee et Jack Kirby, lorsque le monstre était encore gris. Lee décidait de passer au vert sans explication dès le second épisode, estimant que le rendu serait plus percutant à l'impression. Je suis plutôt client de ce genre de relectures à distance. Ce pitch plutôt alléchant ne tient malheureusement pas ses promesses. Le sujet se révèle en effet assez sous-exploité et le traitement plutôt inconséquent. 

Il y a pourtant de belles idées, notamment dans cette caractérisation aussi juste que touchante du personnage en tant que freak, ces allusions à la créature de Frankenstein qui ne connaît pas la méchanceté mais se retrouve victime de son incontrôlable force. Ce retour aux origines est également pour les auteurs l'occasion de placer de petits clins d'oeil sympathiques, comme cet affrontement rigolo avec un Iron Man débutant. Mais le scénariste Jeph Loeb manque vraiment d'idées pour remplir son intrigue. Il n'aura pas creusé bien loin, peut-être bridé par les contraintes du format, et la conclusion est à ce titre particulièrement pathétique, avec son diagnostic psychanalytique de supermarché, d'autant plus regrettable qu'il nous est présenté comme la justification de tout ce qui a précédé et de ce qui est à venir. Heureusement, l'ouvrage reste graphiquement délectable, mais on ne peut qu'éprouver la regrettable impression d'être passé à côté d'un formidable terrain de jeu.








The Long Halloween est une mini-série brillante et inspirée, publiée par DC entre 1996 et 1997. Les auteurs ont posé un concept aussi simple que diablement efficace : durant treize épisodes — chacun représentant un mois — c'est toute une année de la vie du Dark Knight qui va défiler sous nos yeux, avec en toile de fond une enquête haletante sur un mystérieux serial killer baptisé Holiday par la presse, qui assassine systématiquement les jours de fête (Thanksgiving, Noël, St-Valentin, le 4 juillet, etc.). Une sorte de whodunit bien distrayant, qui joue avec les clichés du genre tout en revisitant avec intelligence le sombre univers du héros de Gotham. Ces différentes célébrations sont en effet l'occasion de faire le point sur lui-même et sur les figures qui l'entourent. A ainsi été conviée la quasi intégralité du bestiaire dément créé par Bob Kane, qui défile épisode après épisode, entre ombre et lumière. Du Joker à Poison Ivy en passant par Catwoman, Alfred ou le commissaire Gordon, avec en fil rouge sang les origines d'un personnage qui n'a jamais été rendu aussi intéressant : Harvey Dent, dit Double-face. 


Le dessin de Tim Sale, son travail sur les ombres en particulier, est ici plus époustouflant que jamais. À tel point qu'on devine que si ça ne tenait qu'à lui, il composerait l'ensemble de son ouvrage entièrement en noir et blanc. D'ailleurs, chaque nouveau meurtre est toujours représenté en monochrome, avec comme seul élément de couleur un objet symbolique lié à la fête du jour, que l'assassin dépose près de ses victimes. Sale gère son découpage de main de maître, avec audace mais sans esbroufe. Le schéma narratif posé par Jeph Loeb suppose une construction qui joue sur la répétition, et le dessinateur s'amuse précisément à créer des effets de miroir et de symétrie, avec un usage aussi pertinent que spectaculaire des cases pleine page qui interviennent avec régularité tout au long de la lecture. Et malgré toutes les spéculations, le dénouement parvient encore à surprendre, nous faisant refermer l'ouvrage franchement comblé.






Il s'agit d'un recueil dont le gros morceau est un récit intitulé Peurs, daté de 2000. Batman chasse un ennemi envahissant, l'Épouvantail, mais cette lutte n'est qu'un prétexte pour nous plonger avec réussite dans les angoisses qui agitent le vengeur masqué, plus torturé que jamais par la lourde charge qu'il s'est imposé. Le scénario de Loeb pose la question du choix, la possibilité d'une autre existence. Voir Batman mal rasé, harassé par la fatigue et le manque de sommeil, reprendre nuit après nuit son costume de chauve-souris pour aller risquer sa peau sur les toits de Gotham est une proposition rendue ici tout à fait convaincante.

La mise en case est encore une fois superbement inventive, avec certains passages qui, esthétiquement, semblent devoir davantage à la bande dessinée indépendante qu'au comix de super-héros. C'est précis, ça prend son temps, sans effets superflus mais toujours plein d'idées. Je suis par contre moins fan de la mise en couleurs qui abuse un peu des effets de traitement numérique, offrant ainsi un rendu un peu trop lisse (pas sur l'extrait que j'ai choisi ci-dessous). On notera toutefois un superbe passage entièrement tramé en noir et blanc. Bref, une bande dessinée comme je l'aime, aux ambitions incontestablement autorisantes, qui réjouit l'oeil sans lui faire mal.

Le recueil se poursuit avec un exercice de style somptueux mais loin d'être vide de sens, peint cette fois par Tim Sale lui-même au lavis, avant de s'achever sur une double page plus anecdotique qui nous propose une brève rencontre entre Clark Kent et Bruce Wayne gamins.



The Rocky story

Rocky, John G. Avildsen, 1976
Loin de l'image de vainqueur qui s'est superficiellement imposée dans les esprits, Rocky Balboa est en fait un anti-héros magnifique, absolument typique du ciné ricain des 70's, avec ces personnages sans gloire qui s'en prennent plein le lard. On suit ici les errances d'une racaille des faubourgs au sens de l'humour vaseux, figure pathétique mais dotée d'une lucidité qui la rend digne. Oscillant entre l'espoir et le doute, il a tout à fait conscience de la mascarade que représente son affrontement programmé avec Apollo Creed.

Finalement loin d'appartenir au genre du film de boxe, Rocky est avant tout une belle étude de caractère, qui nous offre le portrait d'une Amérique désenchantée mais profondément humaine. Le scénariste Stallone nous offre des individualités complexes que l'on a envie d'aimer, malgré des comportements parfois inexcusables (Paulie et l'extraordinaire interprétation de Burt Young). Nous ne sommes jamais encouragés à les juger. Et lorsqu'ils se laissent aller à la tendresse, leur sincérité est touchante, voire bouleversante. Le film est riche en scènes d'anthologie, témoignant d'une observation juste et profonde de l'âme humaine : le premier baiser entre Rocky et Adrian, la dispute entre Mickey et Rocky dans l'appartement sont de purs bijoux de cinéma. La vérité du jeu des acteurs est aussi subtile qu'époustouflante. La mise en scène est à l'avenant, réellement magistrale, sachant parfaitement inscrire le parcours de ses personnages dans la ville. Le film est d'une constante sobriété, à l'image de son générique. J'ai été très étonné de l'utilisation de la musique de Bill Conti. Les premières mesures interviennent tardivement sous forme de douces nappes de cordes, puis le rythme va s'amplifier au fur et à mesure de la motivation retrouvée lors des différents entraînements (superbe lumière du matin), jusqu'à l'apothéose lors du match final, tous cuivres et cordes dehors. Ce film est un authentique miracle sur pellicule.




Rocky II, Sylvester Stallone, 1979
Cette suite m'a semblée avant tout pensée pour les fans du premier volet. On démarre en effet sur ses 5 dernières minutes — amorce qu'on retrouvera systématiquement dans les films suivants — avant de suivre tout naturellement les conséquences de ce match de folie. Rocky emmène Adrian au zoo, comme le lui avait méchamment suggéré un mafieux dans le premier film. Le couple se marie, et la question va être de savoir si Rocky va oui ou non décrocher du ring (interrogation qui sera désormais le moteur-même de la franchise). Le prolongement n'est pas particulièrement imaginatif, mais si on a aimé comme moi les personnages, on apprécie de pouvoir les suivre encore, d'autant plus que les lendemains ne sont pas roses. Rocky se retrouve encore à galérer et le film enchaîne des scènes assez tristes.

La revanche d'Apollo Creed est un bon prétexte pour nous livrer une relecture parfois ironique du premier film. Ainsi la séance d'entraînement dans les rues de Philadelphie est reprise quasiment plan par plan, sauf que cette fois Rocky est soutenu et suivi par la foule, scène particulièrement euphorisante. Bref, encore de beaux moments, avec un combat final bien prenant. C'est quand même moins fort que le premier film qui semblait avoir déjà tout dit, mais la modestie de l'entreprise, son absence de prétentions, reste touchante.




Rocky III, Stallone, 1982
Le dispositif narratif est désormais établi. Après avoir fait défiler le titre du film le long de l'écran et repris la fin du précédent, Stallone insère un montage extrêmement malin pour nous montrer l'évolution de son protagoniste, désormais champion du monde, richissime et icône nationale. Le réalisateur s'autorise des placements de produits éhontés (c'est tout le merchandising officiel qui défile) tout en faisant la critique de cette réussite qui est aussi la sienne. Rocky est maintenant bien loin des faubourgs de Philly, et m'est apparu moins attachant. Le personnage a perdu son accent populo, s'est civilisé. De fait, il s'est lui-même perdu de vue. Le nouveau défi lancé par un Mr. T ahurissant de colère sera pour lui l'occasion de retrouver la rage qui l'avait autrefois fait vaincre et qui se voyait dans son regard.

Cette fois pur film de boxe au fort taux de testostérone, ce troisième volet est quand même un bon film, porté par de belles images (la course sur la plage), et aux affrontements spectaculaires (le match contre Hulk Hogan est génial et fait vraiment peur). Et l'émotion est loin d'être en reste grâce à la présence toujours incroyablement talentueuse de Burt Young, Talia Shire et Burgess Meredith.




Rocky IV, Stallone, 1985
Le scénario se dégraisse méchamment. Le choc Est/Ouest est assez savoureux, tandis que le costume d'Uncle Sam d'Apollo Creed trouve enfin sa pleine dimension. On a un peu vite assimilé ce volet à une apologie du modèle reaganien. Il faut le revoir pour constater parfois avec étonnement que la réalité est plus nuancée, ce qui ne veut pas forcément dire plus subtile : Plus qu'un film de propagande, ce 4e volet m'est en effet apparu comme un véritable message de paix et de fraternité que vient apporter Rocky à la planète entière. Il semble en effet renvoyer dos à dos Américains et Soviétiques dans leur obstination à se faire face. Les deux ont leurs travers, et le film s'avère bien plus ambivalent que ce que certaines images peuvent laisser penser.

Le méga-show style Las Vegas du début se solde en effet par la chute d'Apollo, refroidissant avec violence cette arrogance typiquement américaine. Le public sera aussi haineux face à Drago que les Soviétiques face à Rocky. On n'est pas du tout dans la préférence d'un modèle sur un autre mais dans l'encouragement à dégeler les relations entre les peuples. C'est assurément naïf, mais pour autant cela n'a rien d'idéologiquement puant puisque la critique est partagée. L'imagerie utilisée et les situations sont très amusantes. Au rayon musique, Bill Conti est remplacé par Vince DiCola (magnifique Training montage), il y a du hard rock FM et des séquences d'entraînement plus irréalistes que jamais, où les escaliers du Museum of Art de Philadelphie sont remplacés par les montagnes. Moins flamboyant que dans mon souvenir mais un spectacle au final bien agréable.




Rocky V, Avildsen, 1990
Toujours au scénario, Stallone choisit plus ou moins logiquement de boucler la boucle avec ce film en forme de retour aux sources. Par une suite d'événements plus ou moins convaincants (un comptable escroc), la famille Balboa se retrouve ruinée et contrainte de réduire son train de vie. Ils s'installent dans leur vieux quartier de Philly, qui a eu le temps de bien se dégrader depuis la dernière fois. Rocky retrouve ses habits du premier film et son accent des faubourgs, et ça fait plaisir. Ces retrouvailles sont plutôt touchantes pour le spectateur, toujours dans cette idée de prolonger l'aventure avec ces personnages qu'on connaît désormais bien, et de revisiter un univers familier, d'autant plus qu'on sait ici que Rocky, définitivement trop abîmé, ne retournera plus sur le ring, ce qui renouvelle bien les attentes. Cela donne lieu à quelques scènes toujours très réussies.

Adrian, fidèle au poste pour redonner le sens des réalités à son chéri, est la garante du capital émotion du film. Les péripéties mettant en scène leur gosse ou le jeune boxeur sur la pente glissante du succès manquent certes de force et sont assez archétypales. Le climax quant à lui, totalement inattendu, détourne plutôt intelligemment l'étape obligée du match final. John G. Avildsen récupère son poste de réalisateur et reprend ses plans à la steadycam là où ils les avait laissés, mais il faut bien convenir que sa mise en scène échoue souvent à trouver un peu de personnalité, ne fait pas trop d'étincelles. Bill Conti est là aussi, donnant à ses thèmes une couleur hip hop bien dans la tendance du jour mais pas forcément de très bon goût.




Rocky Balboa, Stallone, 2007
Le 5e opus proposait déjà de boucler la boucle sous la forme d'un retour aux sources, avec visite amère des lieux du passé. Avec une lucidité vraiment touchante, Stallone semble vouloir enfoncer le clou en reprenant ici le même principe mais dénudé à l'extrême, réduisant au maximum les intrigues secondaires pour ne se focaliser que sur son antihéros, plus paumé que jamais avec cette impression de n'avoir toujours pas atteint le moindre bout d'une quelconque route. « Take you back », chante une nouvelle fois Frank Stallone sur le générique d'ouverture, et les tortues sont de retour dans l'aquarium. Philly est plus dépeuplée que jamais, il n'y a plus personne dans ses rues ou bien les gens sont mauvais (autrefois même les truands apparaissaient comme des êtres solidaires). Mais s'il y a bien une absence qui pèse sur l'ensemble du film c'est celle d'Adrian. J'ignorais que Talia Shire ne faisait pas partie de ces retrouvailles, et même sans être là elle parvient une nouvelle fois à incarner le coeur du film. Les scènes avec Burt Young m'ont quant à elles régulièrement mis la larme à l'oeil. J'ai retrouvé véritablement intact son personnage qui cache derrière ses mauvaises manières d'authentiques sentiments.

On peut être gré au scénariste de ne pas s'être trop acharné sur son protagoniste, en en faisant un mec qui s'en sort relativement bien avec son resto qui n'est en rien un boui-boui. Sa relation avec la petite Mary qui a bien grandi est incontestablement l'aspect le plus réussi du film, et Stallone joue plutôt subtilement de l'ambiguité amoureuse qui peut exister entre eux. De même, le parcours de Mason Dixon est assez bien vu, arrivé au sommet de la richesse mais qui se sent finalement bien seul dans sa riche villa et ressent le besoin de revenir aux bases. Si le monde des cols blancs où vit le fils Balboa n'échappe pas toujours à la caricature, ça reste néanmoins assez sobre et surtout porté par l'envie sincère de donner quelques leçons de vie. Cela dit, ses sentences sonnent parfois un peu trop écrites pour vraiment coller avec l'image que j'ai du personnage. Plus gênante, parce que pas très crédible, est cette histoire de match virtuel, avec des modélisations impeccables et un découpage un peu trop travaillé). Les autres volets parvenaient à faire passer mieux que ça le fait que Rocky s'acharne quand même à remonter sur le ring. Le spectateur ne se faisait certes pas d'illusions face à ses hésitations, mais ici j'ai trouvé que l'évolution du personnage était un peu platement rendue. Et c'est limite si le training montage — LA scène à ne pas foirer — a failli ne pas m'emballer. Les frissons ne m'ont enfin parcouru que lorsque les fameuses marches sont apparues, mais voir Rocky tout en haut avec son gros chien, ça fait un peu douche froide... 

On sent que Stallone aime cet univers qu'il a créé et qu'il a conscience que c'est le cas de son public. Il leur/nous rend hommage et on a vraiment l'impression qu'il recule le plus possible la fin de son film : superbe arrêt sur image de cette main dans la foule qui attrape celle de Rocky... disparition de la silhouette dans le cimetière... et encore ce dernier plan large en haut des marches dans la nuit de la ville. On a envie de dire : « encore, encore ! » Quand bien même j'ai été sensible à cet aspect fanfilm, ça n'a pas été suffisant pour rester aveugle et sourd devant une relative médiocrité de la mise en scène. J'ai d'abord été étonné par la photographie qui semble curieusement manquer de goût (couleurs au rendu bizarre, comme mal maîtrisées). Stallone semble justement chercher une certaine rupture avec les films précédents, en privilégiant notamment la caméra portée et en abandonnant la steadycam si caractéristique du premier volet. Trop de champs/contrechamps m'ont donné l'impression d'une pauvreté d'inspiration, nuisant à la vérité de certains dialogues. Le monteur a manifestement pêté un câble au milieu du match final avec cet espèce de montage stroboscopique qui m'a semblé totalement inexpressif, me laissant sur la touche. Le pire c'est que je n'ai vraiment ressenti aucune progression dans le rythme du match, aucun suspense. Alors que dans les 4 premiers films, ces mêmes matches de fin parvenaient vraiment à raconter une histoire, rendaient percutants les enjeux. Là, je guettais en vain l'oeil du tigre de l'Étalon italien. Au final je suis donc mitigé et aurais voulu y croire davantage. 



En conclusion, je dirais que même si ça n'a pas été prévu comme ça et que seule la vidéo le permet aujourd'hui, ça a vraiment du sens de s'enchaîner les films dans un court laps de temps, un peu comme les épisodes d'une série télé. Pris isolément, je ne suis pas sûr que j'aurais éprouvé les mêmes impressions, sauf pour le premier film. Le Rocky de 1976 reste un film profondément touchant, plein de sincérité et de sensibilité et pourrait se suffire à lui-même.

Gonna fly now...

21 septembre 2014

Métaphysique De Chirico

« Toute l’oeuvre de Chirico n’est en réalité qu’une longue autobiographie, transposée, comme sur une scène de théâtre, en figures changeantes et insaisissables en tant que réalité — parce que la réalité n’existe pas —, mais plus vraies et durables que la réalité elle-même, par la force symbolique que leur art leur confère. »
Paolo BaldacciGiorgio De Chirico 1888-1919, la métaphysique



Automne 1906, le jeune peintre Giorgio de Chirico s’inscrit à l’Académie des Beaux-arts de Munich. Souffrant régulièrement d’une affection intestinale, alité, il lit beaucoup et se passionne en particulier pour la philosophie de NietzscheSchopenhauer et Héraclite. C’est sa lecture de Des fins ultimes du Viennois Otto Weininger, où apparaît la notion de métaphysique géométrique, qui lui inspirera la formule “pittura metafisica”. Par la suite, les villes italiennes (Florence, Turin) vont nourrir son imaginaire et lui révéler pleinement cette perception métaphysique de l’espace et des objets.

Ferrat forever


En groupe en ligue en procession

Et puis tout seul à l'occasion

J'en ferai la preuve par quatre

S'il m'arrive Marie-Jésus

D'en avoir vraiment plein le cul

Je continuerai de me battre

On peut me dire sans rémission

Qu'en groupe en ligue en procession

On a l'intelligence bête

Je n'ai qu'une consolation

C'est qu'on peut être seul et con
Et que dans ce cas on le reste.









Poète inféodé né en 1930, Jean Ferrat est un artiste sans pareil qui s'est longtemps tenu isolé du cirque médiatique. Son talent d'auteur et de compositeur s'avère aussi inspiré et à l'aise lorsqu'il chante l'amour que lorsqu'il crie sa révolte, son dégoût de l'armée et du clergé, de même lorsqu'il se moque de la mode préfabriquée des yéyés, toujours entre satire et colère. Il est le chroniqueur des espoirs et des désillusions d'une époque troublée, d'une société en constante perte de repères.

Irrévérencieuses, cruelles, drôles ou profondément bouleversantes, ses chansons sont de celles qui me touchent, certaines étant devenues des compagnons de route, des confidentes, me semblant tantôt ne parler qu'à moi, tantôt parler pour moi. Tandis que certains s'attarderont plutôt sur ses morceaux engagés, mon côté mélancolico-fleur bleue nourrit évidemment un faible pour ses chansons d'amour aussi belles dans leurs arrangements que dans leurs textes. Car la délectation que procure Ferrat vient notamment du soin de ses arrangements, parfaitement en accord avec le sujet traité. Chœurs, cordes, cuivres, ambiances, tout est travaillé avec goût et intelligence, sans jamais céder à la grandiloquence. Et si les émotions sont aussi fortes, c'est justement parce que la musique est constamment en écho avec les paroles, avec une vraie progression rythmique et mélodique au cours du morceau. Combien de ses textes pourraient servir de déclaration d'amour irrésistible, exprimant la viscéralité d'un attachement, la beauté de l'être aimé, mais également toute la sensualité d'un corps, la fougue d'une étreinte ?


Que ce soit dimanche ou lundi
Soir ou matin, minuit, midi
Dans l'enfer ou le paradis
Les amours aux amours ressemblent
C'était hier que je t'ai dit
Nous dormirons ensemble

C'était hier et c'est demain
Je n'ai plus que toi de chemin
J'ai mis mon cœur entre tes mains
Avec le tien comme il va l'amble
Tout ce qu'il a de temps humain
Nous dormirons ensemble

Mon amour ce qui fut sera
Le ciel est sur nous comme un drap
J'ai refermé sur toi mes bras
Et tant je t'aime que j'en tremble
Aussi longtemps que tu voudras
Nous dormirons ensemble.



Comme ses confrères Brassens ou Ferré, Ferrat va signer certaines de ses plus belles réussites en mettant en chanson les poèmes d'Aragon, avec lequel il se sent en réelle harmonie (Heureux celui qui meurt d'aimer, Que serai-je sans toi ?), tout comme Apollinaire (Si je mourais là-bas). Dans ce travail, il ne craint pas de bousculer un peu le texte, déplaçant tel vers, modifiant telle rime. Il rendra également de réguliers hommages à Garcia Lorca ou Boris Vian qui témoignent magnifiquement du respect, de l'admiration et de la compréhension qu'il a de leur œuvre.



Bucolique, Ferrat l'homme des bois sait aussi chanter les joies simples de la vie, les beautés de la Nature, de cette Ardèche qu'il a choisi comme patrie. Il sait comme personne célébrer la douceur d'une grasse matinée au soleil d'été, tant de belles choses qui permettent de garder espoir et de tourner le dos aux mensonges de la société. Chez Ferrat, les amants vivent leur bonheur loin des hommes, de préférence dans une maison de campagne entourée d'oiseaux.


Au début des années 80, pour de pénibles questions de droits, Ferrat a été amené à réenregistrer l'intégralité de son répertoire et de publier l'ensemble de ces sessions sur une douzaine de compilations. Force est de constater que, même si les arrangements ont été à peu près conservés, le style et l'interprétation différent et sont loin de valoir les versions originales. Ces dernières charment parce qu'elles ont un son lié à leur époque. Pendant un temps, on ne trouvait en CD que les douze volumes de ces réenregistrements. Heureusement, il y a eu depuis toute une série de rééditions qui mentionnent à juste titre sur leur pochette : "versions originales". C'est clairement celles-ci qu'il faut privilégier.


Boycottant les plateaux télés, Ferrat publie en 1991, après pas mal d'années de silence, un nouveau disque, Dans la jungle ou dans le zoo. C'est à cette époque que je l'ai découvert. Le son y est plus rude, un peu froid, fait de guitares électriques, de synthés et de rythmes plus agressifs. Toujours en phase avec son temps, le chanteur dresse un constat assez désabusé de l'état du monde, dénonçant la putasserie de la télé (Dingue), l'arrivisme de la jeunesse (Les Petites filles modèles), et n'oublie pas de fournir encore de très beaux hymnes à l'amour. Les Tournesols mettent tristement en parallèle la misère dans laquelle a vécu Van Gogh et les records de vente de ses oeuvres aujourd'hui.





Dernier album studio du monsieur, Ferrat 95 propose à nouveau des mises en chansons d'Aragon. Très agréable d'écoute, revenant à des orchestrations plus traditionnelles et chaleureuses (instruments à vent, cordes, etc.), ce disque livre encore de vraies perles (L'Amour est cerise, J'arrive où je suis étranger).



Bref, dans la famille "chanson française", Ferrat est un des artistes auxquels je suis le plus attaché, tant pour l'esprit que pour la lettre. Son œuvre me touche, au même titre qu'un Moustaki ou une Françoise Hardy.