26 mars 2015

Looking for Oshii Mamoru

WXIII Patlabor the movie 3, Takuji Endo, 2002
Le manga et la série Patlabor avait inspiré deux long-métrages cinéma qui firent date (1989 et 1993), tous deux réalisés par Mamoru Oshii. Le réalisateur d'Avalon y avait parfait son art et son écriture si particulière. Quasiment dix ans après, le studio Madhouse (Captain Herlock, the endless odyssey) ressuscite la franchise avec ce troisième opus qui se révèle tout à fait digne de ses deux prédécesseurs. Techniquement impeccable, tant dans sa réalisation que dans son animation, le film reprend la forme d'une enquête policière assez complexe, à base de complot situé sur plusieurs échelons, où les états d'âme de deux personnages flics comptent autant que l'avancée de leurs recherches. Ici la section des Labors est définitivement à l'arrière-plan, mais ça n'enlève rien à l'intérêt du récit. 

Comme chez Oshii, le film se retient de céder aux faciles séduction du spectaculaire, alternant longues plages méditatives sur des vues de la ville et soudaines accélérations. Ce qui donne un impact encore plus fort aux séquences d'action, avec en particulier une scène superbe et même terrifiante dans un entrepôt qui fait basculer le film de façon assez inattendue dans le fantastique. Et le compositeur Kenji Kawai est toujours là, fidèle et en forme, haussant cet anime à un très haut niveau de qualité.




Innocence : Ghost in the shell 2,  Mamoru Oshii, 2004
Poursuivant sa réflexion sur la virtualité de nos existences et l'âme des machines, Oshii a réalisé avec Innocence un nouvel essai poétique et philosophique. Son cinéma existentiel devient à chaque fois plus somptueux, plus surprenant, et moins réel. Les caractéristiques qu'Innocence partage avec Ghost in the shell créent l'agréable sensation de se retrouver en terrain familier tout en constatant que rien n'est plus vraiment tout à fait pareil. Sentiment d'étrange étrangeté, auquel renverra au cours du film la figure du miroir, et du feedback (ou déjà-vu). Les corps des cyborgs ont changé, sous l'influence des poupées de Hans Bellmer. Toujours signé Hiroyuki Okiura, le réalisateur de Jin-Roh, le character-design s'est affermi, les véhicules sont différents, proposant un surprenant retour aux années 50. La musique de Kenji Kawai semble elle aussi emprunter des sillons bien connus (choeurs et percussions) tout en s'en démarquant de façon manifeste, partant de la même base pour évoluer vers autre chose. 

Dans sa construction même, Innocence évoque explicitement son prédécesseur : prologue  sur une intervention de la section 9, générique Making of cyborg, enquête à base de machines qui buggent... À tel point que je guettais la séquence contemplative de milieu de film sur cette même musique du générique — qui aura bien lieu, pendant la procession — et l'affrontement contre une machine surpuissance lors du climax — qui n'aura pas tout à fait lieu de cette manière, même si on assistera à du démembrement de cyborg. Dans cet univers où l'on cherche ses repères, le Major est absent physiquement mais pas virtuellement. Ayant fusionné avec la matrice dans le précédent épisode, elle est en fait partout. Elle hante nos pensées comme celles des personnages. La mise en scène d'Oshii est plus maîtrisée que jamais, privilégiant les poses statiques, avec ces personnages qui se parlent sans jamais se regarder. Lorsque l'animation se met en branle, elle est d'une subtilité admirable. Le travail sur les visualisations des systèmes informatiques en action, plus poussé que jamais, est réellement impressionnant. Dans ses films, Oshii aime multiplier les inserts d'écrans vidéos, offrant des solutions visuelles au fonctionnement des machines. De la même manière que pour le premier film, il récupère pas mal d'éléments du manga de Shirow (chef-d'œuvre absolu du 9e art), mais propose un scénario tout à fait personnel. Si l'enquête elle-même s'avère moins nébuleuse que dans ses précédents films — cette complexité culminait sur Patlabor 2 —, il n'en demeure pas moins qu'on se retrouve ici face à des abîmes de réflexion. 


Je ne prétendrai pas avoir tout saisi. Jusqu'à présent, tous les films d'Oshii m'ont demandé plusieurs visions, de même que ceux de Kubrick. Et je ne pense pas que lui-même prétende proposer un ensemble cohérent, mais plutôt des idées, des suggestions qui ouvrent l'être à la perplexité, à l'interrogation sur son existence et sa destinée. Au fond, rien de bien neuf, il ne fait que prolonger la réflexion déjà bien entamée dans Ghost in the shell, trouvant ici avec la thématique marquée de la poupée un nouveau terrain de doute et d'extrapolations. Il pose un ensemble de questions ouvertes, non pas un système abouti qui nous serait donné à appréhender tel quel, de façon ferme et définitive. Tout cela est évidemment de la part d'Oshii le fruit d'une réflexion cohérente et qu'il murît depuis longtemps, mais en tant que spectateur, je ne prétendrais pas en avoir saisi tous les tenants dès ma première vision. Il me fallait à la fois suivre l'histoire proprement dite, digérer la dialectique mise en oeuvre, et me laisser aussi simplement subjuguer par l'atmosphère. Lorsque Batou annonce au dernier tiers du film : « Finis les discours, place à la violence », cela montre bien que le réalisateur a conscience des limites du spectacle qu'il a donné à voir jusqu'à présent. Il livre alors avec ce combat contre les poupées une de ses plus belles séquences de cinéma, d'une poésie assez sublime. Il y aurait certainement encore beaucoup de choses à dire, mais encore plus à taire et juste à ressentir. Par la suite, je reviendrai souvent me perdre dans ce Innocence comme j'ai aimé me perdre dans Ghost in the shell

22 mars 2015

Captain Leiji Matsumoto

Galaxy express 999, Rintarô, 1979
Comment oublier ce train de l'espace ? J'adore la poésie de ce film, ses belles leçons d'humanisme, ses personnages incroyablement charismatiques dont le regard semble chargé d'une profonde mélancolie. Pour les familiers de l'univers de Leiji Matsumoto, c'est un vrai bonheur de croiser des héros devenus mythiques (Toshiro, Harlock, Emeraldas, etc.). Au fil des œuvres du mangaka, on se plaît à les retrouver à différents moments de leur existence, comme autant d'instants qui ont construit leur légende. 

Le scénario du film reprend les grandes lignes de celui de la série télévisée du même nom produite à la même époque, mais s'il était courant en ce temps là de proposer de simples remontages serrés des épisodes, il s'agit bien là d'une toute nouvelle réalisation, pensée pour le grand écran, techniquement bien supérieure, avec un ton différent, plus adulte. Également réalisateur sur la série, Rintarô signe une mise en scène tantôt très alerte, tantôt contemplative, avec de superbes moments de lyrisme ou de spectaculaire. Et les musiques variées d'Aoki Nozomu se marient merveilleusement avec les images. Ce voyage initiatique à bord du triple 9 est passionnant à suivre, et s'achève sur un final bouleversant qui le rend inoubliable. 




Space pirate Captain Herlock, the endless odyssey, outside legend, Studio Madhouse, 2002
Franchement déçu par cette série qui jouissait pourtant d'une excellente réputation (et d'un titre prometteur). J'y ai trop peu trouvé la poésie mélancolique de Matsumoto, de même que la patte de l'incontournable Rintarô, ni le talent des animateurs du studio Madhouse (Vampire hunter D. Bloodlust). L'intrigue de ces nouvelles aventures d'Herlock/Albator se révèle désespérément mince, trop pour justifier 13 épisodesJe n'ai rien contre la lenteur pour peu qu'elle appelle à la contemplation mais pour moi il s'agit surtout ici de rythme déficient. Les épisodes se traînent, les personnages sont peu développés voire inintéressants dans l'expression de tourments qui ne convainquent pas. Les dialogues sont sans saveur et les vrais vilains avec leur ricanement plein d'assurance s'entêtent à défier Herlock et son équipage alors qu'ils ne cessent d'échouer. 

L'animation est un peu trop souvent figée et je déplore également pas mal de recyclage de plans. L'abus de flashbacks pour rappeler les épisodes précédents confirme une étonnante tendance à l'économie, ce que je n'attendais pas de la part d'une production qui se veut ambitieuse. La musique, enfin, a beau se la jouer orchestre philharmonique, elle donne la plupart du temps l'impression d'une tapisserie sonore plaquée sur les images sans plus de conviction. Bref, j'ai regardé ça d'un œil le plus souvent morne, en concluant que la série s'adresse peut-être aux moins de dix ans. Le seul élément qui transcende cette fadeur c'est bel et bien la figure d'Herlock, plus iconique que jamais. Son laconisme, son abscence totale de peur face au danger, sa froideur voire son égoïsme (il se fout d'aider qui que ce soit, il redéfinit ses objectif au gré de ses envies du moment, il sait apprécier les membres de son équipage sans pour autant chercher à conserver leur amitié), composent un personnage qui continue de me fasciner, magnifiquement campé dans son habit de corsaire noir et rouge. Et puis le design du vaisseau Arcadia reste éblouissant et c'est toujours un plaisir de le voir évoluer dans l'espace et s'activer sur le champ de bataille.




Interstella 5555, Studio Toei, 2003
Moi qui trippe déjà bien sur l'album Discovery, j'ai vraiment été conquis par ce long clip des Daft Punk, magnifiquement réalisé et soigné tant dans son trait que dans son animation et ses effets de lumière. The 5tory of the 5ecret star 5ystem a toutes les apparences d'une fable, charmante et pleine de surprises, notamment parce qu'elle parvient sans dialogues à nous rendre ses héros musiciens attachants. On ressent de vraies émotions au fil de leur épopée, c'est riche d'idées à la fois visuelles et poétiques : la rencontre rêvée entre la bassiste et son sauveur sur Something between us, l'exploration du château de Darkwood sur Veridis quo (mon morceau préféré) sont de très beaux moments. 

On ne peut alors qu'être profondément reconnaissant envers toutes les parties concernées pour avoir permis qu'un tel projet ait pu voir le jour. Loin de la seule motivation marketing, il s'agit bien d'un vrai cadeau de fans offert à d'autres.


19 mars 2015

A pocketful of japanime

Vampire hunter D. : Bloodlust, Yoshiaki Kawajiri, 2001 
Somptueux long métrage dont l'époustouflante qualité d'animation n'est jamais prise en défaut. Pas un seul intervalle ne semble approximatif, le travail sur les ombres et les reflets est impressionnant et tout ce travail est d'autant plus admirable que le niveau de détail est incroyablement poussé tant dans les visages (et les cheveux !) que dans les costumes. Il faut dire que c'est une adaptation fidèle de l'œuvre de ce  singulier dessinateur qu'est Amano, et on appréciera la volonté de respecter son trait à la majestueuse finesse. L'histoire, à défaut d'être originale, parvient quand même à renouveler quelque peu le genre du récit de vampire. Sur fond de traque, est reprise ici l'imagerie romantico-chrétienne associée au mythe, transposée cependant dans un étonnant univers post-apocalyptique, ce qui permet pas mal de trouvailles dans les décors comme dans les armes employées. 

Une fois de plus, Kawajiri (l'inoubliable Ninja Scroll) démontre son talent pour le dynamisme des scènes d'action, toujours aussi magistralement découpées, où chaque mouvement, chaque pose, crée un rythme parfaitement mesuré et constamment porteur d'une émotion.




Cowboy bebop : Knocking on heaven's door, Shinichiro Watanabe, 2001 
Par ses personnages, la richesse de son univers et son fil narratif teinté de tragique, Cowboy bebop (1998) demeure pour moi l'une des meilleures séries d'animation japonaises, à la fois cool et rageuse. Le basculement sur grand écran s'imposait, mais le studio Sunrise n'a manifestement pas eu d'autre ambition que de mettre en scène les éléments qui avaient fait le succès de la série sans trop faire de zèle. Heureusement, on y retrouve toutes ses qualités mais le scénario est relativement peu passionnant, les personnages n'y sont pas plus fouillés ou émouvants. Bref, on reste sur sa faim, face à ce qui apparaît finalement comme un épisode parmi d'autres, qui s'apprécie évidemment, mais sans jamais qu'on sente une volonté de transcender le matériau d'origine, de tirer profit de ce passage au grand écran. 

Au contraire, c'est plutôt comme si les auteurs n'avaient surtout pas voulu exploiter le background de leurs personnages et produit un épisode qui s'intègre sans faire de vague à la série, donc sans rien proposer de nouveau, ce qui a au moins le mérite de ne pas lui faire de l'ombre. Techniquement la série était déjà au-dessus du lot, et c'est alors presque triste à dire, mais je ne finis par ne vraiment m'emballer devant ce film que lors des scènes d'action ou lorsque la musique de Yoko Kanno est à l'honneur.  




Tokyo Godfathers, Satoshi Kon, 2003
On ne se consolera jamais de la disparition du cinéaste. Son œuvre est désormais achevée mais elle possède l'avantage de pourvoir être vue et revue sans lassitude tant chaque film et O.A.V. s'offre comme de vertigineux terrains de jeux, à la fois intellectuels et sensoriels. Tokyo godfathers a beau être son récit d'apparence le plus linéaire, je n'hésite pas à son sujet à parler de chef-d'œuvre. 

On en vient à se dire que sur, le papier, le film aurait tout à fait pu être tourné en prises de vue réelles, et en même temps, par sa façon d'exploiter toutes les ressources du media animé, il offre des émotions qui n'aurait pu exister autrement : montage virtuose, soin accordé aux décors (le film est une ode à la ville), soudains coups de folie de l'animation. Chronique des laissés-pour-compte, fable et enquête policière en même temps. C'est blindé d'idées et de poésie, ça mélange grotesque et drame, pour aboutir à un spectacle aussi destabilisant que prenant. Impressionnant sur tous les plans. 




Appleseed, Aramaki Shinji, 2004
J'ai trouvé que le film sacrifiait un peu trop aux effets de mode, tant dans la mise en scène que dans son esthétique. Autant les décors sont très fidèles au manga de Shirow (Ghost in the shell), autant le character design a subi un lifting qui n'est pas trop à mon goût (visages, coupes de cheveux, fringues). L'intrigue est plutôt stimulante et là aussi fidèle dans ses grandes lignes à l'œuvre originale. Cependant de nombreuses scènes de dialogues m'ont semblé répétitives, faisant finalement perdre un temps précieux au lieu d'apporter de réels développements ou approfondissements

Évidemment, je n'ai pas été le voir en espérant retrouver toute la richesse du manga et notamment de ses personnages, et on sent que des efforts ont été faits pour ménager à la fois l'action et les sentiments. Mais ça manque un peu de talent dans l'écriture, d'une direction un peu personnelle. Deux très belles scènes cependant : celle de la projection vidéo avec Deunan qui redécouvre son passé et tente d'intervenir en se fondant avec les images, ainsi que la spectaculaire attaque des araignées géantes, un des passages les plus hallucinants du manga que je n'espérais pas voir aussi bien transposé à l'écran. Techniquement, je suis pas trop fan du cell shading (un dessin d'apparence 2D animé en réalité en 3D), procédé qui connaîtra des améliorations dans les années suivantesSinon, j'ai été surpris de découvrir la présence des Boom Boom Satellites au générique. Le genre de son assez risqué (personnellement j'aime beaucoup) qui ne m'a toutefois pas semblé ici particulièrement pertinent. 




Steamboy, Katsuhiro Otomo, 2004 
Seize ans après Akira, c'est peu de dire que l'attente du nouveau long métrage d'Otomo-San était démesurée. Malgré les revoyures, j'en arrive toujours à la même conclusion : une réalisation inhumainement ambitieuse avec des décors époustouflants et incroyablement détaillés, mais des personnages pas plus attachants que ça, et un scénario qui se retrouve vite à patiner. Les thèmes abordés sont relativement classiques, donc traités sans surprise (le pouvoir et la science, l'héritage filial). 

Bref, cela me donne l'impression d'être devant un film adressé surtout aux enfants, avec de belles leçons de vie mais qui me laisse pas mal sur le bord du chemin. Je me contente alors de regarder passivement ce fascinant show, qui là encore n'arrive à me convaincre que dans la dimension la plus spectaculaire que constitue en particulier sa dernière partie, qui offre de folles visions de chaos urbain. 




Origine, Studio Gonzo, 2006
Le film ayant eu, il me semble, les honneurs d'une distribution salle en France, c'était pour moi signe de qualité. Or si visuellement c'est incontestablement soigné (costumes, décors, machines), le scénario pêche par son cruel manque de développements. La quantité d'éléments mis en place semblerait presque destinée à un traitement de série. Car sur un long métrage les enchaînements et les personnages apparaissent vraiment trop esquissés, trois petits tours et puis s'en vont. 

Du coup, on ne s'implique pas face à ce qui prend des allures d'interminable bande annonce et, malgré la qualité technique de l'anime, on finit un peu trop vite par se désintéresser d'un spectacle pourtant bruyant.  Et l'on assiste au climax d'un œil franchement morne. Les moyens sont là mais le film n'est pas un cadeau.




Voyage vers Agartha, Makoto Shinkai, 2011
Autant je connaissais de nom les précédents films du réalisateur, autant celui-ci je n'en ai jamais soupçonné l'existence. La découverte a été plus qu'heureuse et reste encore aujourd'hui un vrai bon souvenir. Le film possède assurément des défauts, et pas des moindres : des personnages qui manquent un peu de substance, un univers riche mais qui dissimule mal son influence miyazakienne (on ne cesse d'y penser). 

Si on n'atteint pas complètement le grandiose c'est parce qu'on aurait envie que l'auteur pousse un peu plus loin les questions soulevées, qui sont passionnantes. Les premières minutes sont vraiment belles, rythme tranquille, observation minutieuse et poétique du quotidien, une vraie délicatesse dans le regard porté sur les personnages, un refus du manichéisme  Et puis ça verse progressivement dans le fantastique. Certaines scènes possèdent un réel souffle épique, bien soutenus par une belle musique. Et puis l'emballage est vraiment épatant, le soin accordé aux décors et aux paysages, aux harmonies de couleurs, étant particulièrement admirable. Je recommande.

2 mars 2015

Takahata, Kondo, Miyazaki sont dans un studio

Jarinko Chie (Kié la petite peste), Isao Takahata, 1981
Un très joli film. On y rit souvent de bon cœur, ce qui n'empêche pas le ton de parfois devenir grave, voire assez osé par les thèmes abordés. C'est rare de voir un dessin animé selon toute apparence destiné aux enfants proposer une famille aussi peu conventionnelle. Jusqu'à la fin, le père reste ainsi un gros bras bon à rien et infantile. Takahata sait  cependant parfaitement doser la caricature et la méchanceté, il montre bien vite qu'il n'y a pas de manichéisme (cf. les yakuzas). Les autres personnages sont très rigolos et souvent touchants. La petite Kié est dotée d'une belle énergie, et le film offre à l'arrivée un magnifique portrait de l'enfance, d'une finesse et d'une subtilité très maîtrisées. En cela, c'est un travail tout à fait digne de celui que le réalisateur accomplira bientôt sur le bouleversant Tombeau des lucioles et le pétillant Mes voisins les Yamada.

Techniquement, décors et animation n'ont rien d'exceptionnels, se contentant surtout de rester au niveau des personnages. Mais les dessins sont très chouettes, certaines têtes étant vraiment marrantes. Bon, s'il faut l'avouer, ce qui m'a fait le plus délirer ce sont ces chats kung fu fighters et leurs improbables histoires de couilles (dit comme ça, ça peut paraître bizarre mais on est déjà moins étonné si on a vu le génial Pompoko, du même Takahata). Autre petit plaisir personnel, l'insert complétement inattendu du Son of Godzilla...





Mimi wo sumaseba (Si tu tends l'oreille), Yoshifumi Kondo, 1995
Tout le savoir-faire du studio Ghibli est réuni dans ce petit bijou aux ambitions apparemment modestes mais bougrement attachant. On y suit le quotidien d'une jeune collégienne passionnée par les livres. Son éveil au sentiment amoureux est traité avec autant de vérité que de délicatesse, avec des scènes toutes simples qui tournent au miracle : une chanson improvisée, une déclaration d'amour insoupçonnée, le poids d'un souvenir éternel, la compréhension paternelle, le plaisir de sentir le soleil sur sa peau... Grâce à la subtilité de l'animation qui fait passer la moindre émotion sur les beaux visages des personnages, grâce au sens du détail des décors urbains, grâce à un score d'une belle richesse, tous ces petits riens qui finissent par composer un univers qui captive très vite le spectateur.

Miyazaki en a signé storyboard et scénario. Kondo fut quand à lui l'un des piliers de Ghibli, responsable de l'animation sur quasiment tous les films du studio. Ce sera son unique réalisation de long-métrage, il décédera brutalement trois ans plus tard alors qu'il s'annonçait comme le digne héritier de Miyazaki et Takahata.





Sen to Chihiro no kamikakushi (Le Voyage de Chihiro), Hayao Miyazaki, 2001
Je ne l'avais pas revu depuis sa sortie. J'ai retrouvé toutes les sensations et les émotions que le film m'avait alors procuré, avec peut-être encore plus de force et de beauté. En effet, j'avais vécu sa découverte en salle comme un véritable rêve, complétement fasciné par ce qui se déroulait à l'écran, acceptant très vite d'abandonner la quête d'une quelconque logique. Le retour à la réalité de la rue avait alors été particulièrement rude.

Cette fois, j'ai pu m'attacher davantage à l'intrigue et aux raisons d'être des personnages. Miyazaki propose un délire à peine contrôlé (il ira pourtant bien plus loin dans le manque de rigueur sur ses films suivants), et pourtant les aventures de la jeune Chihiro nous apparaissent incroyablement touchantes et justes. J'ai su cette fois mettre des mots sur l'état de grâce qui avait été le mien en quittant la salle un soir de décembre. On quitte le film comme Chihiro quitte ce lieu magique, jetant un dernier regard sur ce monde, théâtre de mille épreuves et de dangers qui l'ont amenée à se dépasser, à faire preuve de courage, à découvrir le sens du partage et l'amour. Comme elle, on ressent à la fois de la tristesse et de la joie au souvenir d'une experience qui appartient désormais au passé mais qui demeurera en nous pour toujours (le bref éclat de lumière sur l'élastique de ses cheveux, à la toute fin).

Techniquement, le film est une splendeur de tous les instants. L'animation acquiert une liberté rare. Et la musique d'Hisaichi parvient une nouvelle fois à une somptueuse harmonie. Je pense qu'on a là le summum de l'art du Maestro Hayao (en attendant Le Vent se lève).