17 juillet 2015

Polars d'été pas français


James Ellroy, Le Dahlia noir, 1987
Premier et jusqu'à présent seul Ellroy que j'ai lu. Assurément un très bon roman. J'ai beaucoup aimé le ton, l'atmosphère et les tourments des différents personnages qui sont formidablement bien travaillés et convaincants. Le bouquin a toutes les apparences du polar classique avec l'exploration des bas-fonds de la société et des âmes, tout en proposant une approche très originale, dont je ne saurais vraiment dire à quoi on la doit. En tout cas, ça fait bien illusion parce que je pense quand même que la résolution de l'affaire est un peu tarabiscotée pour paraître vraisemblable, mais ce n'est pas forcément ce que j'attendais non plus.

Intéressant aussi de constater que le film de De Palma ne m'a pas du tout parasité la lecture comme je le craignais. J'ai surtout réalisé que je n'en ai gardé quasiment aucun souvenir, si ce n'est une poignée de scènes cinématographiquement très fortes. Et je n'ai rien contre Josh Hartnett acteur, mais dès les premières lignes on réalise qu'il est très loin du Bleichert du roman. Cela dit, l'édition 2006 du bouquin chez Rivages que j'ai eu entre les mains inclut une postface d'Ellroy très intéressante où il loue plutôt la réussite du film tout en revenant sur certaines de ses obsessions personnelles auxquelles son inspiration doit beaucoup.




Patricia Cornwell, Postmortem, 1990
Là encore, découverte d'un auteur à l'intimidante réputation. Forcément, on ne peut s'empêcher d'avoir quelques attentes en abordant une œuvre dont on a entendu parler, dont on s'est fait une idée qui a entraîné notre curiosité. J'espérais donc trouver un polar supra-efficace. Et j'ai finalement eu droit à une enquête pas particulièrement passionnante, ni originale, reposant sur des indices un peu faciles, qui plus est gentiment desservie par l'utilisation d'éléments technologiques qui paraissent bien datés, même si l'auteur faisait certainement figure de pionnière en évoquant dès 1990 la question du piratage de réseaux. 

Consciente que son intrigue ne fera pas tout, Cornwell s'efforce de développer un peu la vie privée de son héroïne, d'en faire un vrai personnage et de poser les bases d'un univers. Peut-être que les aventures suivantes de Kay Scarpetta s'améliorent par la suite, mais ça reste à ce stade relativement peu approfondi et surtout pas du tout touchant, jusqu'à un dénouement tardif qui ne m'a pas non plus fait tressauter. Bref, ni retors, ni malin. Je ne refuserai pas de me plonger à l'occasion dans d'autres opus, mais circonspect quand même.




Iain Pears, L'Affaire Raphaël, 1991
En abordant cette lecture, je pensais lire un roman policier se déroulant à la Renaissance. L'Affaire Raphaël est en réalité le premier titre d'une série de bouquins mettant en scène un bureau d'inspecteurs italiens, chargés d'enquêter sur les vols de tableaux et les escroqueries du marché de l'art. Bonne pioche. On est donc plongé dans le monde des musées, des collectionneurs et des ventes aux enchères, et l'auteur semble assez bien connaître son sujet. 

Le récit est quand même assez généreux en clichés sur l'Italie et les Italiens, l'enquête est truffée de facilités, de béances et de comportements stupides, ce qui fait que la résolution de l'énigme demeure jusqu'au bout assez imprévisible et qu'on accepte quand même de se laisser embarquer. La traduction y est sans doute pour quelque chose, mais j'ai trouvé ça écrit sans aucune saveur. Les titres suivants de Pears sont peut-être plus aboutis. Je reste curieux.



Arturo Pérez-Reverte, Le Tableau du maître flamand, 1990
Un bon polar madrilène en forme de partie d'échec machiavélique et d'analyse iconographique, bien divertissant donc, même si on aboutit une nouvelle fois à un dénouement typiquement tordu. Pérez fabrique un intrigue un peu gratuitement tortueuse, où l'énigme s'épaissit à chaque chapitre, et c'est prenant. 

Mais je crois que j'ai quand même de plus en plus de mal à accepter ce type d'énigmes impossibles dans des romans contemporains. C'est plutôt ce que j'ai envie de trouver dans un Agatha Christie, un Conan Doyle ou un Maurice LeblancMais bon, ça n'enlève heureusement rien à la qualité du récit qui précède l'explication finale, grâce notamment à une très belle écriture.





Alicia Giménez Bartlett, Meurtres sur papier, 2000
Découverte plaisante. C'est apparemment le quatrième volet d'une série mettant en scène une inspectrice de police dans le Barcelone d'aujourd'hui. L'enquête ne passionne pas vraiment en elle-même, mais la mayonnaise finit quand même par prendre grâce à une caractérisation assez peu conventionnelle des personnages. Bartlett évite les clichés du polar, son enquête est pleine de fausses pistes, d'allers-retours et se résout sans chercher des coups d'éclats artificiels. En fait ça se veut plutôt très réaliste, et vu le métier de l'héroïne, c'est évidemment pas très rose. D'autant qu'à l'enquête proprement dite s'ajoutent les tourments de son quotidien. 

L'auteur dessine ainsi une protagoniste assez marrante par sa causticité mais qui est aussi très touchante précisément parce qu'elle n'a pas la science infuse. Ça change de ces flics qui maîtrisent trop bien leurs suspects ou qui sortent des répliques trop spirituelles. Plutôt pas mal, donc, parce que ça déjoue certaines attentes (le polar est parfois un genre trop confortable).




Le Livre sans nom, 2007
Un faux polar "destroy" — si je peux me permettre d'user encore de cet épithète en 2015 — littéralement jubilatoire, aux dialogues constamment réjouissants et inspirés, avec des personnages impossibles et hauts en couleurs. C'est drôle, excessivement violent, et on a tout à fait raison de penser en le lisant au tandem Tarantino/Rodriguez tant les influences  de série B sont partagées. Ambiance frontière mexicaine, bar miteux, motels sans clims,  grosses motos, et compétitions de virilité. 

Le bouquin progresse de façon complètement imprévisible, et réserve son lot de surprises qui font de cette lecture un vrai plaisir. C'est parfaitement inconséquent, un peu comme une bonne grosse blague. Il y a pourtant derrière tout ça un incontestable talent pour aboutir à une écriture nerveuse et un rythme très rock n'roll. Tout laissait penser que les aventures du Bourbon kid seraient sans lendemain, puisqu'on assiste à rien de moins qu'à l'apocalypse sur terre. Et pourtant, sans doute pour répondre au succès du bouquin, l'auteur demeuré anonyme a prolongé le délire dans d'autres titres qui me donnent bien envie.





Arnaldur Indridason, Le Livre du roi, 2006
Divertissant polar. L'écriture est d'une très plaisante fluidité, le suspense plutôt bien maintenu même si ça se résume assez vite à une chasse linéaire aux indices, chaque nouvelle trouvaille conduisant opportunément à une autre (mais on va dire que c'est un peu le principe du genre). 

C'est surtout le fond de l'histoire qui éveille ici le plus l'intérêt, à base de patrimoine culturel et historique islandais. Il y a en effet derrière la course au trésor que propose Indridason, et les impasses dans lesquelles se retrouvent plongés ses héros, tout un pan d'une histoire pénible et pas si ancienne qui est exhumée ici. Mais on retrombe quand même relativement vite dans une recette éprouvée de suspense qui crée des moments aussi haletants qu'amusants, et qui font finalement passer le sentiment du divertissement avant le propos historique.

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