12 mars 2016

The Revenant, Alejandro González Iñarittu, 2016

Avec : Leonardo DiCaprio, Tom Hardy, Domhnall Gleeson, Will Poulter, Forrest Goodluck, Duane Howard...


Je n'ai jamais réussi à être emballé pleinement par un seul des films d'Iñarittu. Par ses sujets comme par son style, c'est pourtant un cinéaste qui semble se donner du mal à chacun de ses projets, et je ne peux certainement pas nier leurs qualités extérieures. Je suis en général plutôt sensible au travail de quelqu'un qui accorde autant d'importance à la forme qu'à l'implication de ses interprètes. Mais jusqu'ici ça donnait à mes yeux des films déséquilibrés, dont je sauvais quelques bouts de scènes, ou certains choix musicaux qui permettaient in fine à ses films de rester présents dans ma mémoire (le final de Babel sur fond de Sakamoto, notamment). J'avais raté Birdman, qui m'avait quand même intrigué par son pitch et son concept. Sachant juste qu'Iñarittu y avait eu l'ambition d'un réalisme poussé, ce Revenant a un peu pour les mêmes raisons attisé ma curiosité : la promesse d'un spectacle différent. N'ayant cette fois pas raté le rendez-vous, je trouve pour ma part que le pari est gagné. 

C'est en effet une vraie expérience de cinéma qui est proposée ici, où il est certain que chaque plan respire la difficulté de ses conditions de tournage, et aboutit donc à une impression inédite, aussi plaisante que destabilisante, comme si face à l'écran le regard du spectateur était redevenu vierge. Ça fonctionne ou pas (et dans le deuxième cas, je peux concevoir le calvaire qu'on pourra juger impardonnable). Le grand-angle quasi permanent m'a d'abord agacé avant de révéler ses effets, offrant une sensation d'immersion franchement vertigineuse. J'ai eu tout du long l'impression d'être invité à adopter un point de vue quasi-divin, invisible et privilégié, brutalement plongé au cœur d'une sauvagerie qui se serait sans cela déroulé sans témoin. 

Il y a clairement des tours de force ahurissants, lors de la poignée de scènes d'action magistralement chorégraphiées, ballets à la brutalité excessivement éprouvante, mis en scène à hauteur d'homme sans coupe visible. Mais la prouesse technique n'est pas une fin en soi. C'est encore et toujours la sensation qui prime, et elle passe par cette volonté d'offrir un spectacle inédit. C'est peut-être voyant, mais tant que je n'y trouve pas de mauvais goût et qu'au contraire ça me démonte la machoire et crispe les poings, je suis plutôt reconnaissant à un cinéaste quel qu'il soit de permettre ça, parce que c'est aussi ce genre de jubilation purement cinématographiques que j'espère obtenir face à un écran. Et en même temps, je n'étais pas en train de me demander quels procédés avaient permis telle ou telle séquence (et même en y repensant maintenant à froid, ça me dépasse tellement que j'ai cessé de m'interroger).


Ça donne donc lieu à quelque chose d'inconfortable, qui sur le fond et comparé à d'autres films de survie (de Deliverance à The Road), n'a pas forcément grand chose à raconter. Réalisme oblige, on n'échappe pas toujours à une certaine répétition. Mais, pris corps et âme par le film, j'étais le premier à souhaiter que Glass roupille dès qu'il en avait l'occasion pour se remettre de ses épreuves. Le rythme du film tente d'épouser naturellement celui de son protagoniste, donnant libre cours à de purs moments de respiration. Et j'en suis ressorti quand même bien secoué. 

Les acteurs sont bons, les lieux filmés ont une présence impressionnante, capturés sous une lumière magique par Emmanuel Lubezki. La bande son (musique comme bruitage) est également formidablement travaillée alors que je m'attendais plutôt à une absence totale de sons extradiégétiques. Pour moi, ça témoigne bien de la volonté du réalisateur d'exploiter chaque élément du langage cinématographique pour nourrir le voyage du spectateur.


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