1 avril 2016

La Séance bis : Marathon ninja

Avant-propos : l'auteur de ces lignes décline toute responsabilité en cas de lésions cérébrales irréversibles qui seraient consécutives au visionnage des œuvres chroniquées ici...



Bruce Lee Vs. Ninja, Joseph Velasco, 1982
Bien que j'ai eu à déplorer l'absence de la moindre cagoule de ninja promise par le titreur fou, j'ai quand même bien rigolé devant ce "magnifique" deux-en-un —  plus précisément de ce trois-en-un puisqu'il compile au petit bonheur la chance des scènes issues de pas moins de trois longs-métrages du célèbre Bruce Le (ne cherchez pas la faute de frappe, toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé n'est nullement fortuite). On nous balade ainsi entre la Corée, Hong Kong et les Philippines pour une pseudo-enquête incompréhensible, avec des dialogues qui s'efforcent laborieusement de créer un peu de cohésion. L'effort, à défaut d'être louable, a surtout le mérite d'être involontairement comique, et l'on a parfois l'impression que même les personnages n'en sont pas dupes. Dès que les élements scénaristiques lui semblent suffisamment nombreux, le monteur manchot qui tient les manettes du film se contente d'enchaîner les scènes de baston non-stop, ce qui est bien drôle au début mais devient un peu lassant au bout d'une demi-heure. Bruce tatanne à tout va, et à chaque fois qu'on pense voir débarquer le big boss du film, notre héros l'éclate et un autre type fait son entrée pour réclamer lui aussi sa baffe. 

Évidemment Bruce Le enchaîne avec une complaisance désarmante tous les tics qui ont fait le succès du vrai Bruce Lee, à savoir petits cris suraigus, jeu de jambe rebondissant, essuyage de nez, sans oublier sa petite séquence de jogging vêtu du célèbre pyjama jaune. Les costumes, dans le plus pur style HK 70's sont évidemment du meilleur goût. N'oublions pas également un personnage de "folle" comme on n'en fait plus, persuadé sans doute de marcher sur les traces de Wei Ping Ao, déjà bien pénible dans les films du vrai Bruce Lee. Un peu fatiguant au bout d'une heure, donc, mais offrant son quota d'ahurissements.




Ninja fury (La Rage des ninjas), Godfrey Ho, 1985
Un petit mot sur la technique de production de Godfrey Ho : en ce milieu des années 80, la mode est aux films de ninjas. En un temps record, le réalisateur-escroc en tourne alors quatre ou cinq avec des acteurs caucasiens au rabais, mixe dedans des bouts de films de kung fu philippins récupérés à la décharge, confiant de façon irresponsable à ses doubleurs le soin de bricoler une intrigue qui ficellerait le tout. Il obtiendra ainsi pas moins d'une vingtaine de films prêts à l'exportation, dont on a peine à croire aujourd'hui qu'ils connurent les honneurs d'une sortie en salle. Ce Ninja fury propose du pur concentré de Godfrey avec en tête d'affiche le sobre Richard Harrison dont le personnage semble clairement vivre dans un monde parallèle à l'intrigue. Cette dernière mêle trafiquants de drogue, inspecteurs de police ninjas, arnaque à l'assurance, et puis après je n'ai plus cherché à comprendre. 

À un moment, sans prévenir, une femme se fait agresser par un craignos monster au vague look de créature de Frankenstein. J'ai fait un bond sur mon siège en pensant que Ho avait osé ajouter un élément fantastique mais j'ai déchanté lorsqu'il s'est avéré que c'était en fait le personnage du flic qui avait mis un masque pour faire une blague à sa copine, dans une scène totalement gratuite. Une fois lâchée la rampe du récit, le spectateur assiste à un enchaînement de scènes d'action loufoques en bagnole, en moto, à ski, mais aussi en rollers et en voiturettes sans permis. Sa raison est achevée lors du final où Harrison revient pour la forme rappeler que c'est lui qui menait l'enquête au départ, et tatane une ninjette dans la clairière d'un jardin public, un décor qu'on retrouvera fréquemment dans les productions suivantes de Ho. Et l'on n'oubliera pas le mot de la fin qui tente de donner un peu de profondeur à tout ce qui a précédé : « Les ninjas sont des êtres humains, la vie est sacrée. »




Ninja terminator, Godfrey Ho, 1985
Par rapport à d'autres ninja flicks de Ho, et dès lors que nos neurones ont bien fondu, l’intrigue de ce Ninja terminator apparaît étonnamment cohérente. Attention, tout étant relatif, elle reste parfaitement débile dans ses présupposés et son déroulement, à base de comportements absurdes et de stratégies crétines. Mais la narration proprement dite, en particulier la façon dont les deux films bidouillés ici sont liés ensemble, tient à peu près la route : trois ninjas s’emparent de la statuette du guerrier d’or ninja, espérant ainsi empêcher leur maître ninja d’utiliser ses pouvoirs à des fins maléfiques. L’un des ninjas (Richard Harrison moustachu) s’associe au téléphone avec Jaguar Wong, un policier d’Interpol spécialiste du kung fu. Kidnappings, menaces et trahisons sont au programme. 

Les bastons avec Jaguar Wong sont relativement habiles, le mec lui-même ayant une classe folle, très James Bond du pauvre : sourire ravageur, ray-ban et cool attitude. Ses techniques de drague sont admirables et il pratique l'art du déguisement comme peu de monde. Les scènes avec ninjas sont quant à elles riches d’enseignement, avec pas mal de techniques intéressantes et d'accessoires fort pratiques, comme le manche de sabre fumigène ou les gants griffus pour escalader les murs. Ho est pour sa part toujours aussi inspiré dès qu'il s'agit de placer des extraits de ses autres films. C'est ainsi que des robots-jouets de quinze centimètres de haut viennent livrer des VHS au domicile des héros. On appréciera le souci de développement de la vie privée du flic et du ninja, notamment les scènes avec Madame Harrison et ses goûts sûr en matière de stylisme, ou ses recettes de cuisine telles que le crabe-ivre, qui sert également de cible aux shurikens de son homme. J’ai par contre été un peu choqué par la violence pratiquée à l’encontre des vitres de bagnoles, complaisamment brisées et taguées. Il faut enfin mentionner la fin du méchant, qui meurt enterré dans le sable à mi-corps à force de tatanes sur le crâne (qu'il a superbement coiffé d'une sémillante perruque blonde). Je sais, j'ai balancé la fin. Désolé.








Golden ninja warrior, Joseph Lai (Godfrey Ho ?), 1986
Déjà ce qui est remarquable, c'est qu'on est là face à un des rares films de ninjas produit par Ho et ses complices qui ne soit pas du 2-en-1. Et c'est un sentiment très reposant que d'échapper aux rafistolages foireux habituels. Le scénario n'est pas pour autant plus intelligent. À la fois simplissime dans sa construction et incompréhensible dans ses péripéties, le film est truffé d'action, et met en vedette une héroïne kung fu fighteuse décidée à punir les assassins de son père. Elle infiltre donc la mafia responsable et botte les fesses des sbires que le big boss s'acharne à lui envoyer. De temps en temps, un gweilo (= acteur occidental) à moustache, flic d'Interpol ET ninja, vient lui prêter main forte. C'est lui qui protège la statue du Golden ninja warrior (dont tout le monde se contrefiche ici). Cette simple allusion est censée nous convaincre que ce Golden ninja warrior serait la suite directe de Ninja terminator, déjà promu au rang de classique. 

Ce qui est assez rigolo, c'est que les personnages ont tendance à se transformer en ninja n'importe quand, à grand renfort de moulinets des bras et de triples flips, pour retrouver leur apparence civile quelques temps plus tard à peine, puis redevenir ninja trois secondes plus tard, pour le plaisir. Parmi les armes utilisées, on retiendra notamment une espèce rare de shuriken téléguidé. À noter aussi que le réalisateur, une fois n'est pas coutume, exploite plutôt bien ses différents décors, en particlier lors du final qui se déroule autour de ce qui ressemble manifestement à un chantier abandonné de construction seventies avant-gardiste. En marge de ces aventures bien distrayantes, le film est régulièrement pimenté de scènes de sexe, filmées avec une complaisance presque embarrassante. On s'y fait flageller, violer, on se désape, on prend un bain, ou on se caresse au moins une scène sur trois. Ajoutez à cela des bruitages électro-cheap, des bastons à base de baffes et bourres-pif, des poursuites en accéléré et des figurants manifestement non consentants, et vous obtenez ce... cette chose qui sur le papier peut paraître prometteuse mais qui se révèle une véritable monstruosité que j'hésiterai quand même à montrer à mes ennemis.




Challenge the ninja, Godfrey Ho, 1986
Un bon vieux Godfrey Ho des familles avec ses acteurs occidentaux dont les dialogues sont improvisés au doublage, et son film de baston philippin d'une subtilité à toute épreuve. Le spectacle est toujours bien hallucinogène. Le film philippin en question n'est qu'une suite d'affrontements assez nerveux, mais forcément lassants. Le chef des méchants veut violer toutes les femmes qui passent sous son nez et est d'une intelligence à frémir. À chaque fois qu'on le voit discuter avec ses sbires, c'est pour se contenter de leur dire d'assassiner ses opposants.

On pourra regretter que les séquences tournées par Ho (celles mettant en scène les acteurs blancs), soient peu nombreuses et particulièrement pauvres : le pseudo-flic Bruce Baron se balade dans Hong Kong, suivi par un type qu'il affronte dans le même sempiternel jardin public. Il lui plante son sabre dans le bide et disparaît jusqu'à la prochaine et identique séquence. De temps en temps il parle en champ/contrechamp avec le héros du second film. Puis, quand le film semble avoir assez duré, une lettre anonyme est mystérieusement glissée sous sa porte qui lui indique le nom du traître, lui permettant de conclure commodément son enquête avant le générique de fin (« Bon sang, j'en étais sûr ! »). Un opus qu'on pourra donc se contenter de regarder en mode morceaux choisis.




Flic ou ninja, Godfrey Ho, 1986
L'un des sommets de l'œuvre généreuse de Mr. Ho. Véritable cas d'école, deux-en-un anthologique magnifié par la volonté contre-nature de relier l'ensemble par un scénario à côté duquel Chinatown semble avoir été écrit par Philippe Clair. La façon dont le métrage asiatique s'enfonce dans les bas-fonds du mauvais goût et de l'idiotie est un vrai bonheur. Le pire étant que même si les doubleurs en rajoutent une couche, on devine que le scénario d'origine est à peu près respecté. Et quel scénario ! Une femme violée décide de se venger de ses agresseurs. Elle est sans le savoir au centre d'un complot fomenté par un méchant ninja qui souhaite en sous-main prendre le controle d'un consortium international de trafiquants de diamants, tandis que des agents d'Interpol, ninjas également, veulent protéger la demoiselle et débusquer le tireur de ficelles. En se concentrant un maximum, on peut parvenir à remettre les éléments à leurs place et trouver un semblant de logique dans la progression narrative. L'exercice est cependant vraiment périlleux et peut entraîner des séquelles. L'avalanche de prénoms est telle qu'elle semble vouloir justement mettre à l'épreuve les capacités d'attention du spectateur le plus endurci. Entre Larry, Maurice, Georges, Robert, Rose, Donald, Cheryl, etc., il y a de quoi coller des sueurs froides. Néanmoins, parmi eux j'ai particulièrement apprécié le personnage de Georges, une véritable ordure machiste, qui rembarre méchamment sa femme Jenny lorsqu'elle le supplie de lui faire l'amour (« Georges, tu es mon mari et tu dois me faire l'amour ! — Va prendre une douche froide, Jenny ! »).

La partie occidentale suit quant à elle son cours pépère. On notera l'inclusion en guest star d'un stock-shot issu de Ninja terminator avec Richard Harrison et son téléphone Garfield, décidément grande victime du recyclage. Le reste du temps on voit Bruce Baron s'entraîner à découper au sabre des photos avant d'aller défier des artistes du cirque de Pékin, déguisés en ninja cela va sans dire. Le duel final mérite largement sa réputation, la magie ninja permettant aux combattants de faire surgir une nouvelle arme toutes les dix secondes. Par contre le big boss ninja meurt vraiment comme un minable, alors que c'est censé être un maître. Si vous souhaitez conserver ce qui vous reste de raison, ne lancez pas la vidéo suivante :



Enfin, afin de compléter ce dispensable panorama, et à destination des plus résistants qui en redemanderaient, je renvoie à ma chronique de Ninja exterminator (Felix Tong, 1987) publiée chez Nanarland. Et n'oubliez pas : « Les ninjas sont des êtres humains, la vie est sacrée. »

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