2 juillet 2016

Du Franco-belge

Jean-Claude Mézières, Pierre Christin, L'Ambassadeur des ombres, 1975
Il s'agit du sixième album des aventures de l'agent spatio-temporel. Je reste fasciné par le dessin plein d'aisance de Mézières, et la richesse d'une mise en couleurs finalement assez peu conventionnelle par rapport aux standards de la bande dessinée franco-belge. J'avoue avoir lu très peu d'albums de la série, mais j'ai l'impression que Christin y trouvait là un terrain de jeu illimité pour de véritables scénarios-conceptuels, dont l'audace avait parfaitement sa place dans cette revue laboratoire qu'était Pilote. Et la douce folie visuelle et la capacité d'imagination de son binôme dessinateur semble s'y accorder idéalement, comme le prouve en particulier un autre album, Les Héros de l'équinoxe, véritable tour de force formel.

L'Ambassadeur des ombres tient pour sa part davantage d'un prétexte, d'une invitation à l'exotisme interstellaire. Laureline prend les rênes d'une aventure qui n'en est pas vraiment une, fausse enquête touristique où les auteurs se contentent de balader leur héroïne d'une race extraterrestre à l'autre. On appréciera le travail d'imagination mais le récit reste bien mécanique.




Roger Leloup, Le Trio de l'étrange, 1972
Premier album de Yoko Tsuno, une série dont le dépaysement me fascinait gamin, avec cette idée d'aventures en compagnie d'extraterrestres évolués demeurant en secret dans les entrailles de la Terre. La série alternait cependant avec des récits plus classiques se passant à la surface, qui du coup me captivaient bien moins et faisait perdre à mon sens la spécificité de l'univers développé ici. Relu aujourd'hui, ce tout premier récit offre une intrigue qui se révèle assez sommaire dans ses enchaînements, tandis que les personnages manquent vraiment de finesse dans leur comportement, peu aidés par des dialogues plutôt plats. Leur traits ont ici une rondeur qu'ils perdront dans les tomes suivants, mais qui personnellement me les rendait plus attachants. 

Leloup, qui fut l'assistant minutieux d'Hergé, se fait bien plaisir en ce qui concerne le design des véhicules et des décors technologiques. Son dessin un peu raide s'y prête bien. Inexplicablement, ce style si rigoureux semble avoir eu peu d'influence sur l'esthétique de la science-fiction, en comparaison d'autres dessinateurs ayant également œuvré dans le genre, comme Mézières, justement, Bilal ou Moebius. Il est vrai qu'on aurait du mal à l'imaginer publié dans Métal hurlant, mais c'est un peu dommage que ce sérieux travail n'ait pas eu de véritable descendance...




Jean Graton, Un ours, un singe... et un side-car, 1979
« Julie Wood, c'est le western de l'an 2000. Le casque a remplacé le grand chapeau des cow-boys, et la moto leurs chevaux, car Julie Wood c'est aussi les grands espaces et les cavalcades jusqu'au bout de l'horizon... sous la plume et le pinceau de Jean Graton. » Telle est l'accroche des quatrièmes de couverture de cette série, à l'époque où les spin-off de la bande dessinée franco-belge étaient encore rares. Julie Wood s'est en effet d'abord fait les bottes de cuir aux côtés de Michel Vaillant, dont elle n'est rien de moins que le pendant féminin. 

Graton n'a pas cherché son concept bien loin. Au pilote de bolides à quatre roues qu'est Vaillant succède donc Wood, la bikeuse blonde. Femme honnête et droite, championne de sa catégorie, elle s'efforce ainsi d'album en album de défendre son titre tout en ayant affaire à des managers sans scrupules et des amoureux transis. Si cette série s'avère au final amusante, c'est en grande partie grâce au caractère de la Julie, fille épatante qui aime les "vrais mecs", surtout s'ils ont la gueule et les mains entre la boue des terrains de cross et l'huile de vidange. Cet album en particulier propose rien de moins qu'un réjouissant ménage à trois avec pour toile de fond une compétition de side-car, discipline que Julie va devoir maîtriser au cours du récit. Comme toujours, Graton fait preuve d'un grand soin quant à la documentation et aux aspects techniques des courses, et sait parfaitement doser le suspense dans une ambiance détendue. D'autant plus que les deux mâles de l'histoire (l'ours et le singe du titre) ont un sacré caractère et se comportent entre eux de façon odieuse. Certes, on est là dans de la bande dessinée de papy, avec un trait froid et pas sexy pour un sou mais c'est aussi le charme d'un auteur qui, comme Tibet, reste une incontournable référence dans le genre qu'il a fait sien.




Willy Lambil, Raoul Cauvin, Qui veut la peau du général ?, 1999
Les Tuniques bleues est une série dont je suis très peu familier, mais contrairement à Valérian, qui ne m'a jamais particulièrement intrigué. L'impression comme avec Morris que Lambil propose toujours le même univers graphique en vase clos, quand bien même les scénarios de Cauvin peuvent être pourvoyeurs de bons gags et de références historiques solides. Du même duo, j'ai plus de sympathie pour leur autobiographie décalée Pauvre Lampil.

Ce 42e tome ne sera pas celui qui aura aidé à me convaincre. Peu inspiré, le scénario apparaît comme un prétexte à peine déguisé pour retarder le plus possible l'action, elle-même résolue sans trop d'implication. C'est un album absolument dispensable, une sorte de gag moyen qu'on aurait étiré sur 48 pages pour assurer la régularité de la parution. Reste le trait pour le coup toujours confondant d'aisance et d'élégance de Lambil, qui permet heureusement à chaque planche d'être savourée comme l'œuvre d'un grand maître.

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