5 septembre 2016

Les Films de Richard Fleischer I. 1946-1949

Des Vikings à 20 000 lieues sous les mers, le nom de Richard Fleischer (1916-2006) est associé dans ma mémoire à un cinéma d'aventures grand public, tel que pouvait le diffuser dans les années 80 une chaîne comme FR3. Grand maître du Cinemascope, il incarnait pour moi la promesse d'un divertissement rondement mené, à la technique solide, et au style à la fois nerveux et flamboyant. 

De Howard Hughes à Dino De Laurentiis, en passant par Zanuck, il fut chouchou des moguls, sauveteur de productions en péril, s'effaçant toujours derrière ses films sans pour autant devenir un mercenaire de la pellicule, abordant chaque projet comme un nouveau défi à relever, mettant la main au scénario pour mieux se l'approprier. Passé de la série B à la superproduction, le cinéaste s'est illustré dans tous les genres, signant d'authentiques classiques au cours d'une carrière prolifique — de 1946 à 1987, il n'a pratiquement jamais cessé de tourner — sans pour autant décrocher un seul Oscar

Au-delà des diffusions télévisées, de mes vieux enregistrements VHS et des bonnes volontés des éditeurs vidéo, la connaissance de son œuvre a été grandement enrichie lors de l'inespérée rétrospective dont l'aura honoré post mortem la Cinémathèque française en 2006.





Child of divorce, 1946
Premier long métrage, première réussite. Un mélo sans complaisance sur l'enfance, véritablement poignant et à l'interprétation hors pair. Mention spéciale à Shayn Moffett, la gamine en question, et à Regis Toomey, son père. La scène où on les voit passer du rire aux larmes est sublime. 

Rien d'édifiant dans cette histoire de couple qui divorce et dont finalement aucun des parents ne souhaite vraiment la garde de l'enfant. En très peu de temps — typique de l'économie des séries B, le film dure à peine plus d'une heure — Fleischer décrit les tourments, les espoirs et la dure réalité à laquelle se confronte la petite fille, jusqu'à un final qui évite intelligemment la facilité pour mieux rendre justice à ses personnages. C'est filmé avec une pudeur qui rend certains passages tout simplement bouleversants et sans jamais tomber dans la mièvrerie. Ce très beau film restera l'un des préférés de son auteur, à juste titre.




The Clay pigeon (Le Pigeon d'argile), 1949
Le film impressionne dès sa remarquable intro-choc : gros plan sur un visage endormi que viennent frôler les mains d'un aveugle, finissant par se serrer autour de son cou, suivi du réveil horrifié du dormeur. The Clay pigeon est une pure série B, qui transcende l'étroitesse criante de ses moyens par l'énergie de sa mise en scène et un pitch aussi efficace que traité sans fioritures. C'est l'histoire d'un soldat américain, sortant du coma après deux ans d'inconscience, et apprenant à son réveil qu'on le considère comme un traître pour avoir dénoncé ses amis pendant la guerre, prisonniers comme lui d'un camp militaire japonais. Amnésique, il fuit pour éviter la Cour martiale et reconstituer la vérité. S'ensuit une course-poursuite paranoïäque, l'homme étant traqué de tous cotés et ne sachant à qui accorder sa confiance. 

Fleischer accompagne son héros avec un sens du suspense assez hitchcockien, en particulier lors du climax dans un train. On notera la volonté de contrebalancer le personnage peu politiquement correct du méchant japonais par une rencontre avec une jeune compatriote qui a perdu son mari à la guerre, décoré par l'armée américaine, et qui va protéger le héros le temps d'une scène. Fleischer a certainement signé des films noirs plus réussis lors de cette première période chez RKO (The Narrow margin). Malgré quelques invraisemblances et un happy end peu convaincant, on s'amuse néanmoins bien devant ce film sans prétention, "efficacité" étant souvent un maître-mot chez le cinéaste.




Make mine laughs, 1949
Il s'agit d'un film-montage en hommage aux spectacles de music hall, dont l'intérêt apparaît plus que jamais documentaire, aujourd'hui que la plupart de ses vedettes sont tombées dans l'oubli. S'enchaînent ainsi différents extraits de sketches, forcément inégaux, souvent bien lourdauds (le vaudeville dans toute sa splendeur avec amants dans le placard, un numéro de singes savants assez pénible), idiots mais rigolos (des imitations de bruits mécaniques), des chansons bien désuètes mais parfois charmantes, des numéros acrobatiques éventuellement clownesques. 


Le morceau le plus surprenant c'est une espèce de Grand détournement avant l'heure (La Classe américaine d'Hazanavicius et Mézerette)  d'un authentique vieux film muet avec une voix off qui se moque ouvertement des personnages et de l'intrigue : les images racontent l'histoire d'un amour tragique entre un violoniste virtuose et une Comtesse malade. La bande son fait en sorte que le violoniste joue atrocement mal, et le commentaire explique que c'est ce qui va directement causer la mort de la Comtesse. On a également droit à un commentaire méchamment sarcastique d'un vieux défilé de maillots de bains pour femmes. Parfaitement impersonnel, l'ensemble tient tout de même plus de la télévision que du cinéma, un simple travail de professionnel pour Fleischer.




Aucun commentaire: