20 septembre 2016

Les Films de Richard Fleischer VI. 1969-1970

Che !, 1969
Le cadavre d'Ernesto Guevara est encore chaud qu'Hollywood décide de tourner son biopic. Ce qu'il y a de plus improbable dans cette production sera finalement moins le choix d'un tel sujet de la part d'un studio américain, dont le point de vue sera forcément biaisé sur une figure aussi controversée, mais bien d'avoir confié le rôle titre à Omar Sharif. Et pourtant, malgré des postiches un peu voyants, l'acteur, qui est alors une superstar internationale, s'avère tout à fait crédible en Guevara. Peut-être était-ce parce que je m'attendais à quelque chose de vraiment aberrant, toujours est-il que j'ai trouvé le film, certes moyen, absolument pas indigne et sûrement pas risible.

L'évolution du personnage est cependant simpliste : débarquant à Cuba en compagnie d'une poignée de rebelles, il va très vite devoir choisir entre son rôle de médecin et ses compétences de meneur d'hommes. Sa relation avec Fidel Castro — un Jack Palance qui a bien étudié la gestuelle du Lider maximo — est sans doute l'aspect le plus intéressant du film, traitée sans idéalisme. On devine une vraie complicité entre les deux hommes, souvent mise à mal par des objectifs qui vont vite diverger. Tournant le dos aux facilités du pouvoir, la suite du parcours du Che va progressivement devenir la description de sa chute, avec sa désastreuse tentative de révolution sur le territoire américain à partir de la Bolivie. Le chef se retrouve seul, et en quelque sorte obsédé par son désir de libérer des hommes qui n'en demandaient pas tant.

Le film sera un bide monstrueux, à peine montré par la suite. Coécrit par Michael Wilson, scénariste dont les précédents travaux ont pourtant démontré l'intelligence (Lawrence d'Arabie, Planet of the apes), ce Che ! tel qu'il existe aujourd'hui est un film désavoué par Fleischer. Le projet initial devait tracer un portrait beaucoup plus riche du personnage, mais la production, craignant que le film passe pour une apologie, se serait arrangé pour faire sauter le maximum de scènes qui risquaient de montrer le protagoniste sous un trop bon jour. Le réalisateur conserve néanmoins sa part de responsabilité dans ce fiasco, échouant à rendre rendre ses quelques scènes de bataille véritablement intéressantes, tandis que son recours aux flashbacks annoncés par des témoins qui s'expriment face caméra dans le cours même de l'action manque de grâce. On retiendra néanmoins un très joli générique qui mixe en split screen des images du Che sur son lit de mort avec des images d'actu, et puis aussi la belle musique aux accents évidemment latino de Lalo Schifrin.







Tora ! Tora ! Tora !, 1970

Le film fut produit par Darryl Zanuck, et on devine sa volonté de renouveler l'expérience du Jour le plus long (1962) avec cette reconstitution prestigieuse aux moyens décoiffants. Après le 6 juin 1944, voici donc le 7 novembre 1941, date du bombardement surprise de Pearl Harbor. Comme le fera Clint Eastwood bien plus tard avec son diptyque sur la bataille d'Iwo Jima, Zanuck a pour louable ambition de mettre en parallèle les points de vue américains et japonais sur le même événement. Pour les séquences américaines, le choix de Fleischer, rompu aux tournages difficiles et qui a déjà travaillé avec le mogul, semblait naturel. Pour les scènes japonaises, Zanuck fit dans un premier temps appel à Kurosawa mais les deux hommes échouèrent à concilier leurs méthodes et ce seront finalement Kinji Fukasaku et Toshio Masuda qui assureront la tâcheMalgré ses moyens évidents, Tora ! Tora ! Tora ! n'est pas tant que ça une de ces superproductions all-star-cast qui offre son défilé de star (La Bataille des Ardennes, La Bataille d'Angleterre, de Midway, etc.). On relèvera modestement les présences de Martin BalsamJoseph Cotten et Jason Robards. Le but est que les noms doivent s'effacer derrière les personnages authentiques qu'ils incarnent, et les scénaristes n'ont pas souhaiter artificiellement romancer leur intrigue, proches en cela de la démarche d'un Paul Greengrass sur Bloody sunday et United 93

On aurait sans doute apprécié que les comédiens soient plus attachants, mais on nous aura au moins épargné le développement d'un triangle amoureux digne d'un roman photo que signera plus tard Michael Bay sur le même sujet. Conséquence inévitable d'un tournage à plusieurs mains, il faut cependant reconnaître que les scènes japonaises apparaissent comparativement plus intéressantes. Clairement mieux filmées, avec de vrais personnages aux relations rendues un peu plus complexes et dramatiques que leurs équivalents ricains. D'ailleurs curieusement, au Japon le film sortira dans une version plus longue de vingt minutes. Rien que parce qu'on sent que le film est sérieusement documenté et qu'il a vraiment la volonté, à la fois honnête et courageuse, de reconstituer les faits des deux côtés de la barrière, sans aucune volonté de propagande ou de chantage à l'émotion, le spectacle est digne d'intérêt. La découverte des nombreux dysfonctionnements de la hiérarchie militaire et gouvernementale américaine est édifiante, et elle pourrait presque faire sourire si on oubliait qu'il s'agit d'Histoire. La conclusion du film est alors très belle, pleine d'amertume et d'inquiétude quant aux conséquences attendues de l'attaque surprise sur Pear Harbor (le colosse endormi qui va se réveiller...). 


Au-delà du devoir de mémoire, le film tient ses promesses en matière de spectaculaire. Même s'il a aussi été fait usage de maquettes, les scènes d'aviations sont magnifiques et c'est un vrai plaisir pour les yeux de voir en action de superbes Zéros en sachant qu'il ne s'agit pas de CGI et que les acrobaties sont réellement effectuées. Les explosions au sol sont bluffantes, avec de réelles prises de risques de la part des cascadeurs. Certains plans font vraiment frémir, notamment celui où on voit un soldat se carapater à quatre pattes pour éviter la carcasse d'un avion qui se retourne dans tous les sens (en réalité une cascade qui avait mal tournée et qui fut conservée au montage) ! Toute cette longue séquence est rythmée avec beaucoup d'intelligence, proposant autant de situations spectaculaires qu'il y a d'environnements. Et puis j'ai adoré la façon dont Jerry Goldsmith part de sonorités orientales avant de progressivement enrichir ses orchestrations qui deviennent alors vraiment sublimes. C'est avec ce film que Fleischer remportera l'unique Oscar de sa carrière, récompensant les effets spéciaux.




DOSSIER RICHARD FLEISCHER :

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