19 octobre 2016

True detective, 2014-2016

True detective, 2014-2016
Une série créée par Nic Pizzolatto
2 saisons de 8 épisodes
Avec : Matthew McConaughey, Woody Harrelson, Michelle Monaghan, Colin Farrell, Rachel Mc Adams, Vince Vaughn, Taylor Kitsch...

Ambitieuse série d'auteur HBO, particulièrement soignée, quand bien même on y retrouve tous les ingrédients d'une écriture feuilletonesqueLa construction est éclatée avec suffisamment d'intelligence et de finesse pour maintenir en éveil l'attention du spectateur, invité à reconstituer la chronologie des événements et à faire ses propres hypothèses. Et il y a ce qu'il faut de perversité dans les fins d'épisode pour faire monter la tension. Le spectacle proposé est particulièrement plombant. On plonge dans une sorte de philosophie du désespoir qui ne manque cependant pas d'autodérision à l'occasion. Sur le papier, on a affaire à un polar touffu, genre enquête à laquelle personne ne croit, menée sur plusieurs années par un duo d'inspecteurs antagonistes, plus ou moins désireux de s'acharner, relativement respectueux en cela des codes du buddy movie. Mais c'est le traitement qui va ici faire la différence. La réalisation de Cary Fukunaga, à l'œuvre sur tous les épisodes, donne d'emblée une cohérence visuelle à l'ensembleLa musique est splendide, et la photographie surnaturelle met particulièrement en valeur les nombreux plans aériens de paysages. Alternant enquête sur le terrain et scènes d'interrogatoire, le show s'offre aussi en son milieu un époustouflant morceau de bravoure, avec ce plan séquence du dernier quart d'heure de l'épisode 4, où l'harmonie parfaite entre forme et fond — jusqu'à la bande son ronronnante — crée une tension insupportable, en même temps qu'une atroce jubilation.




Ça faisait très longtemps que je n'avais pas recroisé Matthew McConaughey sur un écran et il est aussi impressionnant que méconnaissable, impliqué corps et âme dans son rôle, formidablement crédible et touchant. Par contre, les tics de jeu d'Harrelson ne se sont pas arrangés, et je n'ai jamais compris ce souci qu'il avait avec sa mâchoire. Bref, performance d'acteurs, suspense insoutenable, construction audacieuse, soin visuel, et lorsque l'action déboule, elle est percutante. Le travail est de qualité et je me suis gentiment fait cueillir. Une fois bouclée cette première saison, mon cerveau n'a cependant pas tardé à ressentir une étrange impression d'esbroufe quand même puisque, même si là n'est pas le seul intérêt, la façon dont l'enquête se résout semble étonnamment simple, alors que tout donnait plutôt l'impression d'un sac de nœuds bien ficelé, et j'en suis venu à me demander si je ne m'étais pas laissé enfumer. Ça n'empêche heureusement pas la tension d'être à son comble, et j'ai été complètement saisi durant l'éprouvant final. Par contre, l'épilogue se traîne un peu, comme si la résolution, arrivée trop tôt, conduisait à un dernier épisode contraint de meubler sans qu'on retrouve la même qualité d'écriture. Cette réserve mise à part, c'est quand même un sacré show, au ton singulier et produit de façon ultra classieuse.

La saison 2 partant sur un tout nouvel environnement avait été accueillie plutôt froidement, et j'ai hésité à me l'imposer. J'ai finalement eu bien raison de céder à ma curiosité, car c'est peu de dire que j'ai été agréablement surpris et que mon appréhension a vite laissé place au plaisir. J'ai franchement adoré ce polar sans doute plus balisé que la saison 1, mais certainement pas moins travaillé, bénéficiant d'interprétations admirables, et peut-être encore plus impressionnant par son ampleur (on y suit davantage de personnages). J'avais oublié que j'avais vu Rachel McAdams dans Midnight in Paris (film il est vrai anecdotique), et elle se montre ici terrifiante de conviction. J'ai surtout été fasciné par le jeu magnétique de Vince Vaughn. Je savais depuis The Cell qu'il avait parfaitement les épaules pour un rôle dramatique, et il m'a ici tout du long impressionné par le charisme de sa seule présence en parrain qui, reparti au bas de l'échelle va s'efforcer de capitaliser ce qu'il peut sur ce qui lui reste de réputation. Ses nombreux face-à-face ou tout semble passer par sa voix et son immobilité donnent à chaque fois lieu à de formidables moments de tension. Colin Farrell est une nouvelle fois parfait et bouleversant dans un rôle de loser qui n'a pas encore éteint sa part d'humanité. Je ne vois que Kelly Reilly qui montre ici ses limites.


Alors oui, c'est peut-être excessivement noir et désespéré, oui ça joue avec des codes de polar relativement éculés (mais pas plus que la saison 1 à y regarder de plus près), mais j'ai vraiment aimé le résultat. On a une vraie enquête bien tordue sur fond de ville corrompue jusqu'à l'os, avec des personnages touchants et complexes, qui ont accepté de se laisser envahir par l'amertume et tentent un dernier sursaut. Chacun suivra son propre chemin de croix, et cela donnera lieu à une suite de scènes aux enjeux riches et variés, et qui surtout ne seront pas dénuées d'émotion, les personnages n'ayant pas définitivement tourné le dos à certains de leurs idéaux. Cette dimension de tragédie en rien artificielle à mes yeux m'a passionné. La saison s'offre encore de formidables moments d'anthologie, entre une scène de fusillade urbaine dévastatrice et une fuite nocturne au suspense étouffant. Et j'ai également été bien séduit par la bande son, avec en particulier ces quelques parenthèses musicales sur la scène du bouge ténébreux où se donnent rendez-vous Farrell et Vaughn, petits moments en apesanteur presque surréalistes et vraiment poignants. 



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