16 décembre 2016

Le Monde animé de Don Bluth V. 1997-1999

Anastasia, 1997
Au cours des années 90, le succès commercial de Disney suggère l'idée que le long-métrage d'animation peut être un modèle économique viable pour l'industrie hollywoodienne. La plupart des majors vont alors revitaliser leur département dessin animé, jusqu'ici essentiellement tourné vers la télévision, quand il n'a pas purement et simplement été abandonné. Face à l'arrivée de Dreamworks, nouveau et puissant challenger, Columbia distribue Le Cygne et la princesse, Warner produit le médiocre Excalibur et donne une chance à Brad Bird avec son merveilleux Géant de fer. C'est dans ce contexte plutôt porteur que Don Bluth et son complice Gary Goldman ressurgissent en Californie, propulsés à la tête du département animation de la Fox, studio qui n'avait jamais trop brillé dans ce domaine. Après avoir connu la gloire dans les années 80 puis la débâcle au début des années 90, le talent de Bluth va à nouveau bénéficier d'un luxe inespéré pour son nouveau projet

Visuellement, après une série de films qui tiraient un peu la langue, Anastasia en met plein les yeux, se mettant sans trop de mauvais goût à la page des progrès techniques de son temps (CGI, fin du dessin sur cellos). Les couleurs, les décors et l'animation sont époustouflants de réalisme, avec une mise en scène qui joue la carte du grand spectacle en CinémaScope (format rarement usité en animation). À l'inverse des précédents films de Bluth, l'emploi de la rotoscopie est ici enfin retravaillé pour aboutir à un résultat élégant et stylisé. Le doublage est assuré par un prestigieux casting comprenant Meg RyanJohn CusackChristopher Lloyd ou encore Kirsten Dunst

Ne cherchant pas à révolutionner le genre, Bluth conserve prudemment la structure de comédie musicale à laquelle il est resté fidèle, avec chansons confiés au compositeur de Broadway Stephen Flaherty, et score grandiloquent signé David Newman teinté de folklore européenIci, les héros sont adultes, on ne trouve pratiquement pas d'animaux, en dehors de Bartok, chauve-souris jouant le comique de service, concession à la formule du sidekick Disney. La poésie montre son nez dans la jolie scène de la salle de balle abandonnée que viennent soudain remplir des danseurs fantômes, ravivés par le souvenir des murs. Fidèle à lui-même, Bluth nous offre une nouvelle descente aux enfers avec un Raspoutine soudainement transformé en mort-vivant maléfique. Le duel final qui l'oppose au jeune premier sur les quais de Seine devient alors un beau moment de démesure, dans sa mise en scène comme dans son éclairage.

Le film n'aurait finalement pas dépareillé chez Disney, qui à cette époque commence à orienter davantage ses œuvres vers un public moins enfantin. On se retrouve donc avec une héroïne charismatique, en route vers son destin de princesse à la Cendrillon. L'approche et les ingrédients conviés étaient prometteurs, partant d'un contexte historique plutôt tragique pour en extraire un pur conte de fée. Le résultat manque toutefois de magie et d'intensité. Brodant à partir de faits réels — la chute des Romanov et la fin de l'Empire russe, la Révolution d'Octobre, les personnages mythiques de Raspoutine, et d'Anastasia — Bluth et ses auteurs font des choix finalement peu transcendants, sans atteindre l'équilibre de Fievelqui jouait aussi avec la grande HistoirePeu d'émotion, pas de grand rire franc, ni de véritable effroi (même lors des apparitions de Raspoutine, personnage très agité mais finalement peu impressionnant).





Bartok the magnificent (Bartok le magnifique), 1999
Production assurément ambitieuse, programmée pour Noël, et pour le coup soutenue par une promotion solide enfin digne d'un grand studio, Anastasia fait sensation à sa sortie, finissant même par devenir le film le plus rentable du réalisateur. Pour ceux qui avaient suivi la carrière de Bluth dans les années 80, le film signe son grand retour sur le devant de la scène cinématographique. Retour néanmoins discret car, contrairement à ses précédentes productions, le nom de Bluth est désormais remisé au bas de l'affiche. 

À cette époque, Disney est engagé dans une curieuse stratégie qui vise à exploiter systématiquement ses succès en franchises vidéos, produits dérivés fabriqués à moindre coût. En toute logique, la Fox commande immédiatement au réalisateur le même genre de spin-of. Seule suite tirée de ses films que Bluth ait lui-même réalisée, Bartok the magnificent met donc en scène la petite chauve-souris dans une aventure parallèle, davantage destinée à un tout jeune public. Le film a au moins pour avantage d'avoir bénéficié d'une qualité de réalisation et d'un soin technique légèrement supérieur à la plupart des direct-to-video proposés alors sur le marché. Ça n'en fait pas pour autant un indispensable.




DOSSIER DON BLUTH :

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