8 septembre 2017

Breaking bad, 2008-2013

Breaking bad, 2008-2013
Une série créée par Vince Gilligan
5 saisons de 62 épisodes
Avec : Bryan Cranston, Aaron Paul, Anna Gun, Dean Norris, Betsy Brandt, Giancarlo Esposito, Bob Odenkirk...


Dans sa construction, ses audaces et son sens diabolique du suspense, je considère tout simplement le premier épisode comme un des plus fabuleux pilotes jamais tournés. Son ouverture rentre-dedans, son rythme et ses rebondissements en font un époustouflant morceau de cinéma. S'enchaîne ensuite une première saison formidablement prenante, offrant ainsi à ses interprètes l'occasion de véritables performances. Trouvant là le rôle de sa vie, Bryan Cranston est assurément grandiose, jouant de façon complexe la duplicité, sans jamais que soit appuyé le caractère pathétique de son personnage, et sachant soudainement faire émerger d'insoupçonnées ressources. Et il est franchement bien entouré. Le soin accordé au casting sur cette série se maintiendra d'ailleurs jusqu'aux derniers épisodes, contribuant à d'inoubliables compositions. En beauf nounours et bourrin, Dean Norris est ainsi parfait, tandis qu'Aaron Paul se révèle incroyablement attachant et mériterait aujourd'hui d'avoir une carrière digne de son talent. Et je ne parle même pas du jeu glaçant de Giancarlo Esposito.



La morale est écharpée de tous côtés, on plonge vraiment dans un milieu atroce, et si tout ça est malgré tout rendu un peu supportable c'est grâce à la capacité des auteurs d'y instiller un humour salutaire, quand bien même souvent grinçant. On est donc souvent horrifié mais avec une sorte de sourire de pervers en coin de bouche. L'équilibre et la cohérence sont atteints parce qu'on nous a laissé le temps pour nous familiariser avec tout ce petit monde, dépeint avec ses faiblesses et ses talents. Le parcours douloureux des personnages se poursuit dans les saisons suivantes avec une irrépressible tendance à enchaîner les coups de poisse. Le crime ne paie décidément pas, et la démonstration se fait avec autant de cynisme (de cruauté) que de sensibilité (de vérité).

On devine en effet une volonté de crédibilité de la part des auteurs concernant toutes les questions pratiques, triviales et logistiques liées à ce qui ne se distingue finalement pas tant que ça d'autres formes de business, légales celles-ci. Les personnages ont beau se débattre pour faire reculer l'inéluctable, le spectateur observe ça comme des efforts pitoyables qui ne font que les rapprocher de l'impasse fatale. Chaque saison remporte le pari de faire durer le suspense, notamment en recourrant à des prologues mystérieux, telles les pièces d'un puzzle en désordre dont on devra attendre le final pour reconstituer le tableau, nous laissant dans l'intervalle faire mille paris. Et le cadre pittoresque mais pas du tout enjolivé du Nouveau Mexique participe encore à une profonde fascination.


Par sa façon de déjouer les attentes, de passer du drame à la comédie, à mélanger le sordide le plus total à des situations vaudevillesques irrésistibles, le spectacle en devient parfois délicieusement éprouvant. On passe en particulier toute la cinquième et dernière saison à être vraiment violenté, qui boucle donc l'incroyable destin de ce Mr. White, qu'on a découvert en Mr Tout-le-monde et qui s'est transformé sous nos yeux en terrifiant baron de la drogue. Le sac de nœud dont il n'aura finalement jamais su se défaire depuis le début se dénoue dans des épisodes aussi pénibles que tristes. Le protagoniste semble définitivement basculer du côté obscur, son machiavélisme accuse des ratés et on n'a plus du tout envie de le suivre. On assiste alors à une véritable apocalypse, aucun des personnages n'en sortant indemne, leur âme se voyant dénudée jusqu'à l'os. L'ironie et le grotesque qui arrivaient encore à éclairer certains moments difficiles ont pratiquement disparu, et les auteurs n'y auront pas été de main-morte (le genre d'émotion que pouvait par exemple aussi procurer une série comme The Shield). Et toujours ce sens du suspense, cette capacité à mettre en branle toute une série d'événements liés les uns aux autres et dont les conséquences demeurent imprévisibles.



Bref, Breaking bad s'impose comme une des plus grandes réussites du genre produites ces dernières années, au point où on pouvait légitimement s'interroger sur le devenir des acteurs et du showrunner Vince Gilligan pour parvenir à dépasser ça. Réponse à suivre avec la chronique du génial spin-off Better call Saul...



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