4 septembre 2017

Le Jukebox du lundi : Dix bandes originales de films

Crève-cœur évident que d'écrémer ainsi jusqu'à dix (bye-bye les Schifrin, Delerue, Goldsmith, Elfman, Hisaishi et autres Yoko Kanno) mes bandes originales de film préférées. Pour ne pas pousser trop loin le bouchon de l'arbitraire, foin de hiérarchisation, on se contentera d'un classement chronologique...



1. Michel Legrand : Les Demoiselles de Rochefort (Jacques Demy, 1967)

J'ai déjà dit mon amour pour le cinéma de Jacques Demy et ce film en particulier. Et je garde le souvenir émerveillé de sa découverte, où chaque nouvelle chanson dévoilée était un ravissement supplémentaire. J'aime l'opulence des arrangements de Legrand, colorant son romantisme d'impeccables accents jazz. Et, cerise sur le gâteau, les textes de Demy confiant les espoirs de ses personnages me touchent...






2. Basil Poledouris : Conan the barbarian (John Milius, 1982)
L'ambition dont eut l'occasion de faire preuve ici Poledouris sonne si démesurée que cette partition ferait presque figure d'anomalie dans l'Histoire de la musique de film. Et j'ignore si on retrouvera un jour quelque chose d'équivalent à ce monumental Riders of doom, qui fait tellement corps avec les images lors de cette ouverture sans dialogue, donnant d'emblée au film de Milius une dimension épique et une puissance hors du temps...






3. John Williams : Empire of the sun (Steven Spielberg, 1987)
Si le film est sans doute un de mes préféres de Spielberg — spectacle aussi émouvant qu'impressionnant et dont les thèmes collent idéalement à la vision du cinéaste — c'est aussi grâce à la bande son signée Williams (son Schindler's list suit pas loin derrière). Mélange de chœurs déchirants et d'ambiances inquiétantes, ça atteint un lyrisme à coller des frissons et achève de rendre le voyage du jeune Jim inoubliable...






4. Peter Gabriel : The Last temptation of Christ (Martin Scorsese, 1988)

Production complexe et ambitieuse, qui mêle instruments traditionnels, musique d'inspiration orientale, nappes et rythmes synthétiques, avec parfois la propre voix de Gabriel qui surgit de ces strates inédites. Comptant notamment les collaborations de Youssou N'DourBilly CobhamManu Katché ou des marocains Nass El Ghiwane, c'est un voyage qui réinvente en quelque sorte la musique de film, un enregistrement tellement abouti, que Gabriel ira jusqu'à lui donner un titre propre — Passion — lui faisant ainsi dépasser le cadre strict de la bande originale. Et c'est clairement à cette source novatrice que puiseront par la suite systématiquement les films hollywoodiens exploitant le cadre moyen-oriental (en particulier Ridley Scott, de Gladiator à Exodus en passant par Black hawk down)...





5. Geinoh Yamashirogumi : Akira (Katsuhiro Otomo, 1988)
Là encore, comment décrire le choc ressenti lors de sa découverte en salle face au choc des images et de la musique de ce long-métrage, qui représente une date-charnière pour le cinéma d'animation et pour le développement du manga en France. Le gamin que j'étais en était resté totalement ahuri. Porté par une ambition proprement inhumaine, le réalisateur-mangaka Otomo offrait au collectif japonais Geinoh Yamashirogumi l'opportunité de composer une bande son elle-même hors-normes, s'interdisant la facilité et inventant son propre univers sonore...






6. Ennio & Andrea Morricone : Nuovo cinema paradiso (Giuseppe Tornatore, 1989)

La présence du maestro dans ce classement était ici incontournable, mais quel absurde exercice que de devoir piocher dans sa discographie aux proportions colossales. Si c'est avec Leone qu'Ennio a su atteindre les sommets et trouver sa légitimité, jusqu'au chef-d'œuvre de leur dernière collaboration (Once upon a time in America), mon honnêteté m'oblige à reconnaître mon faible pour la musique de ce film de Tornatore, en particulier du Love theme signé du fils Andrea, dont je ne me lasse pas, avec son sens de la mélodie mélancolique déchirante, indissolublement liée aux images...





7. Michael Nyman : The Cook, the thief, his wife and her lover (Peter Greenaway, 1989)

Officiellement, la pièce intitulée Memorial — décalque assez évident du King Arthur de Purcell et gros morceau de cette B.O. — n'a pas été composée pour le film. Mais Greenaway trouvait que cette sorte de marche funèbre s'associait idéalement aux prodigieux travellings qui ouvrent chaque chapitre de son film, œuvre fascinante, dérangeante, organique. Ma préférée de ce cinéaste totalement perdu de vue, et sans doute une des compositions les plus fortes de Nyman...






8. Elliot Goldenthal : Heat (Michael Mann, 1995)

Le film impose à moi le qualificatif de chef-d'œuvre à chaque visionnage. Secondé ici du Kronos quartet, le trop rare Goldenthal (Alien 3, Batman forever, Final fantasy the spirits within) atteint ici des sommets. Ambiance industrielle planante, jouant sur l'intensité sonore et soudainement traversée de fulgurances mélodiques, et des thèmes poignants qui collent parfaitement au rythme et à l'élégance des images d'un cinéaste en état de grâce. La bande son et l'album s'enrichissent de plus d'une foule d'artistes comme toujours soigneusement sélectionnés par Mann, parmi lesquels je citerai en particulier Moby, sa fabuleuse reprise de Joy Division, et son trippant morceau de fin...






9. Alan Menken : The Hunchback of Notre-Dame (Disney animation studio, 1996)
Incontestablement acteur du succès et de la renaissance que connait le studio Disney au cours des 90's, Menken profitait du cadre médiéval de ce nouveau projet et de la confiance de ses producteurs pour lâcher totalement la bride, telle une opportunité qui ne se présente qu'une fois (et il n'atteindra en effet jamais plus de tels sommets). En résulte une bande originale aux orchestrations démesurées et aux chœurs opératiques, aussi réussie dans ses instrumentaux que dans ses chansons (sur des paroles de Stephen Schwartz). Seul Dreamworks parviendra à rivaliser en grandiloquence quelques années plus tard avec la bande originale de Prince of Egypt, signée... Stephen Schwartz...




10. Gabriel Yared : The Talented Mr. Ripley (Anthony Minghella, 1999)
J'adore ce film du regretté Minghella, qui trouvait en Yared un complice de choix. Au sein d'une bande originale impeccable faite de morceaux jazz, le compositeur a su en effet magnifiquement trouver une équivalence musicale au caractère vénéneux de ce récit et de son héros éponyme. Pour moi le temps s'arrête à l'écoute de cette poignante Lullaby for Caïn, sublimement interprétée par Sinead O'Connor, et je reste sans voix jusqu'à la dernière image du film, tandis que s'efface "Crazy Tom" et que se déploie son thème. Thème tellement réussi que Yared le réemploiera (repompera ?) quelques années plus tard pour le Bon voyage de Rappeneau...

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