24 novembre 2017

Histoire permanente du cinéma français, 2003-2004

Tais-toi, Francis Veber, 2003
Après le retour en grâce qui lui offrit Le Dîner de cons (toujours pas vu), Veber tentait sans doute avec ce Tais-toi de ressusciter la formule gagnante de ses buddy movies. Le résultat est absolument navrant, un film qui se voit et qui s'oublie. La faute à une désolante paresse tant dans l'écriture que dans la mise en scène.

Je temporise charitablement cet avis en citant tout de même une scène qui m'avait vraiment fait marrer, mais pour des raisons extra-cinématographiques : lorsque Depardieu et Jean Reno se retrouvent pour la première fois en cellule, je me suis demandé comment ce dernier avait fait pour rester de marbre devant les conneries verbales du premier, qui joue ici le parfait benêt. Le plan-séquence qui nous les montre de face ne trahit aucun frémissement de narine de sa part. J'y vois là sans doute la plus impressionnante performance de Jean Reno à ce jour.




Le Soleil assassiné, Abdelkrim Bahloul, 2003
Le film raconte les derniers jours de la vie de Jean Sénac, poète Algérois qui participa de près à l'Indépendance algérienne avant de finir assassiné en 1973. Berling est comme toujours parfait (c'était l'époque où il savait encore choisir ses films), donnant le souffle nécessaire à la figure du poète sans jamais sombrer dans la naïveté. Bahloul trace ainsi un beau portrait, loin de toute hagiographie, et c'est une des grandes qualités de son film, là où j'avoue que je craignais quelque chose d'un peu didactique et lourd. Son intrigue reste très solide, avance intelligemment, laissant aux personnages le temps d'exister, évitant les facilités du manichéisme. Les dialogues ont beau être très écrits, les acteurs ont une telle fraîcheur de jeu qu'ils parviennent à faire sonner très agréablement ces phrases si joliment tournées et finalement justifiées. Car c'est exprimé sans complaisance. Ici, rien de superflu.

Délicat également dans sa mise en scène, le réalisateur sait aussi prendre le temps de capturer un rayon de lumière sur la campagne de Sétif, de saisir ces moments de retrouvailles entre amis, les espoirs de la jeunesse comme les désillusions politiques des militants. On notera également une très belle utilisation de la musique, parfois volontairement anachronique (Souad Massi), qui renforce le côté nostalgique et envoûtant de l'atmosphère générale, permettant ainsi au film de s'imprègner en nous un bon moment après que les lumières de la salle se soient rallumées.




Mon père est ingénieur, Robert Guédiguian, 2004
Encore une belle réussite de la part de Guédiguian après son très émouvant Marie-Jo et ses deux amours (2002) qui m'avait beaucoup séduit. On retrouve ici ses complices Darroussin et Ascaride dans le récit subtil et riche d'une histoire d'amour perdu, de déceptions politiques, d'utopie et d'humanité, toujours à Marseille.

Les dialogues, les interprètes, la mise en scène — avec quelques très beaux plans, et un travail sur la photographie particulièrement soigné — de même que les thèmes abordés, bref tout les ingrédients qui composent le film touchent parce que toujours justes, inspirés, sachant même faire preuve d'audace à l'occasion. Ainsi, la construction éclatée et l'ouverture à une certaine relecture des évangiles apportent une touche d'originalité qui rend au final ce long-métrage aussi étonnant qu'estimable.


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