28 février 2018

Le Cinéma de P.T. Anderson II. 1999-2002

Magnolia, 1999
On a là l'aboutissement de ce qu'on pourra rétrospectivement considérer comme la première période du cinéaste. Cette fois la durée du récit s'affranchit des contraintes commerciales, répondant à des ambitions qui paraissent sans limites. Grâce à une mise en scène bluffante qui enchaîne les moments d'anthologie, grâce à un montage complètement calé sur une musique qui ne s'arrête jamais et qui joue des raccords dans le mouvement pour passer d'une histoire à l'autre, on ne sent pas passer les trois heures de cette éprouvante soirée en quasi-temps réel. J'ai toujours été inexplicablement sensible à tout ces notions de hasard et de coïncidences, à la dispersion des signes du destin, et le torrent d'émotion si merveilleusement charrié par ces chassés-croisés polyphoniques me touche ici exactement comme le fait le Demy des Demoiselles de Rochefort, qui me semble une inspiration tellement évidente. On y retrouve à l'œuvre le même art de la musicalité et du mélodrame. Sauf que ça se passe à Los Angeles, son miroir aux alouettes où errent des anges déchus, des perdants magnifiques et des enfants sacrifiés.

J'aime toutes ces magnifiques âmes, je me régale de ces interprétations grandioses, les chansons d'Aimee Mann me serrent le cœur et même si j'ai vu le film un paquet de fois, je vibre toujours avec les personnages, me projetant dans leur détresse et souhaitant sincèrement leur bonheur. Le metteur en scène démiurge a en plus le bon goût de ne pas se montrer inutilement cruel et de laisser passer la lumière, nous offrant à mes yeux rien de moins que l'un des plus beaux derniers plans que je connaisse du cinéma mondial, osmose parfaite entre son, image et émotion. Il serait vain de citer chaque acteur qui donne ici le meilleur de lui même, jusqu'au moindre petit rôle (Alfred Molina, Henry Gibson) tout juste évoquerais-je la prestation hallucinante d'un Tom Cruise à contre-emploi, choix aussi audacieux et réussi que l'avait été celui de Mark Wahlberg pour le rôle principal de Boogie nights. Année faste pour Cruise qui nous avait déjà régalé quelques moins plus tôt par sa participation à l'ultime opus kubrickien. 

Foin de discours vaseux, j'adore tout simplement ce film — qui reste mon préféré du cinéaste s'il fallait bêtement hiérarchiser, le plus immédiat, le plus poignant, s'adressant davantage au cœur qu'au cerveau. Par son écriture, Magnolia assume toujours plus l'héritage du cinéma de Scorsese mais fut aussi souvent renvoyé au Altman de Short cuts. Et c'est tout à l'honneur d'Anderson d'avoir ensuite réussi à faire table rase de ces vénérables parrains pour inventer un nouveau langage, le sien propre.




Punch-drunk love, 2002
Un ovni absolu. C'est peu de dire que conquis comme je l'étais par les précédentes œuvres du cinéaste, j'attendais celle-ci au tournant. Ce sera l'un de mes plus grands chocs visuels et émotionnels de l'année de sa sortie. J'en trépignais de bonheur lorsque les lumières se sont rallumées. Le choc fut d'autant plus fort qu'Anderson propose un renouvellement radical de son cinéma. L'un des grands plaisirs que procurent ses films est qu'ils gagnent à être revus, qu'ils le réclament même. À chaque fois que revois Punch-drunk loveje n'en reviens pas qu'un truc aussi bizarre et audacieux ait pu être librement tourné  — impression qui se banalisera presque en se répétant sur les titres suivants, tous aussi hors-catégories. Et je ne pense pas m'emballer en estimant que le qualificatif de « génie » est loin d'être déplacé pour un artiste complet tel qu'Anderson, seul auteur de ses scénarii sur ce film comme sur les précédents.

Dès l'ouverture, ce qui nous est donné ici à voir est tellement singulier, quasiment avant-gardiste que l'on est happé. À la fois par son côté imprévisible, par ses audaces de mise en scène qui rendent chaque scène fascinante, par cette volonté de bizarrerie d'autant plus troublante que finalement le film ne raconte rien de réellement improbable ou fantaisiste. Au contraire même, puisqu'en son cœur il y a une véritable histoire d'amour. Et puis c'est aussi très drôle, mais avec une approche de la comédie qui, même si elle joue sur l'absurde, semble là aussi ne rien devoir à personne et tracer tranquillement mais avec une fière assurance son sillon. Bref, on se fait agréablement promener par divers états, et en tant que spectateur c'est un bonheur.

C'est le film qui fait qu'alors que sa carrière avant ça et après ça ne m'a jamais intéressé, je conserve un minimum de sympathie pour Adam Sandler. Le couple qu'il forme ici avec Emily Watson est d'une grâce bouleversante. Pour moi, c'est un vrai chef-d'œuvre, tellement à part que les mots me manquent pour en parler plus justement. C'est un film qui n'accepte pas la demi-mesure. On le rejettera en bloc ou y adhérera fusionnellement, mais dans un cas comme dans l'autre, on ne sera pas rester insensible devant une telle proposition d'aventure.





Paper bag, 1999
Après le splendide Across the universe, j'ai un faible pour cet autre clip qu'Anderson réalisait la même année que Magnolia pour sa compagne Fiona Apple. Plaisir des yeux et des oreilles, c'est aussi pour lui d'exprimer très littéralement son goût pour la comédie musicale laissé en filigrane dans Magnolia :





DOSSIER PT ANDERSON :

19 février 2018

Le Cinéma de P.T. Anderson I. 1996-1998

Hard Eight, 1996
Premier long-métrage — inédit en France — d'un jeune prodige du cinéma américain âgé de 26 ans, réalisé avec le soutien du Sundance Institute. Anderson développe ici le point de départ de son précédent court-métrage, Cigarettes & coffee, déjà avec Philip Baker Hall, aboutissant à un film noir à la mélancolie sourde, situé dans un Vegas plein de couleurs qu'il nous montre un peu par la porte de service. Et puis soudain, des choses étranges arrivent, comme seule la vie est capable d'en produire, toujours surprenante et pas forcément signifiante. Le film nous emmène ainsi sans qu'on sache vraiment où, bifurquant brutalement au moment où on s'y attend le moins, et ce plusieurs fois.

Involontairement — il fut contraint de raccourcir — Anderson ose laisser dans sa narration des trous béants qui ne seront jamais comblés, et qui renforcent le mystère et le poids de ses personnages. Dans ce monde de casinos, de tristesse et de rêves d'argent facile, on n'est jamais à l'abri d'un coup du sort. Tout est possible et c'est magnifiquement montré, jamais cruel. L'émotion qui en sort au final est d'une belle intensité.

Comment décrire la véritable fascination que le cinéaste parvient à faire naître de ses images ? Les 10 premières minutes captivent d'emblée par cette pleine maîtrise d'un langage : cadres soigneusement composés, plans qui durent, emploi affirmé de la musique (Michael Penn et Jon Brion) et des effets sonores. En plus d'une écriture brillante et d'un vrai sens du portrait, l'évidente virtuosité de la mise en scène, en même temps qu'elle ravit l'œil, est comme un écrin de rêve pour les performances de ses acteurs. Et puis quel plaisir de voir déjà constituée une partie de cette troupe qu'on appréciera de retrouver par la suite : J.C. Reilly et Philip Baker Hall bien sûr, personnages vraiment sublimés. Mais aussi Philip Seymour Hoffman qui fait un numéro mémorable, et même Melora Walters qui apparaît le temps d'une très courte scène, et on ne sera guère étonné d'entendre la voix de Aimee Mann sur la chanson du générique de fin. Je retiens également une scène assez marquante qui réunit notamment Reilly, Baker Hall et Gwyneth Paltrow dans une chambre de motel, morceau de bravoure en temps réel pendant quasiment une bobine. Bref, Anderson fait preuve d'un appétit de cinéma qui me comble et permet au film de supporter les multiples visions. Une vraie réussite à (re)découvrir absolument.




Boogie nights, 1997
Un film-fleuve rempli à ras-bord mais pas fourre-tout pour autant. Le cinéaste parvient à s'emparer d'une sujet sulfureux sans verser dans le mauvais goût, le moralisme ou la caricature, quand bien même il aborde précisément tous ces aspects. Ça donne une fresque somptueuse et fiévreuse, en scope pêtant de couleurs et porté par une bande son à l'énergie purement scorsesienne. Mise en scène et montage imposent l'admiration tant tout est fluide. C'est un grand film qui n'en finit pas de dévoiler de nouvelles richesses à chaque visionnage, et dont j'adore tous les moments, y compris la période tragicomique lorsque Wahlberg et Reilly se font braqueurs amateurs.

Portrait d'une époque qui bascule dans une autre, film-choral, Boogie nights se présente aussi comme un réservoir d'acteurs ahurissant. Même dans des petits rôles, croiser Luis Guzman, Philip Seymour Hoffman ou William H. Macy suffit déjà à me mettre en joie. Le film a aussi redonné un beau rôle à un Burt Reynolds presque oublié, et en plus d'avoir révélé à mes yeux Julianne Moore a quand même fait démarrer la carrière cinématographique de Marky Mark sur un terrain franchement pas évident. J'aime d'ailleurs continuer à retrouver à l'occasion cet acteur dans des films d'auteurs (chez James Gray en particulier) alors qu'on a complètement perdu Heather Graham qui pour sa part avait tout de même démarré à Twin peaks. Tous les comédiens sont ici magnifiques, et malgré un temps de présence forcément réduit, leurs persos sont vraiment bien traités, avec bienveillance mais tout en assumant aussi la dimension parfois grotesque qu'implique le milieu dans lequel ils travaillent.




Across the universe, 1998
Un clip réalisé pour sa compagne d'alors, Fiona Apple, bien représentatif de cette première période où Anderson cultivait son goût pour la performance technique, comme c'était déjà le cas sur le clip en plan-séquence Try, précédemment tourné pour son compositeur Michael Penn. On y croisera une tête familière de son petit univers :


DOSSIER PT ANDERSON :

16 février 2018

Trois romans américains contemporains

Laura Kasischke, In a perfect world (En un monde parfait), 2009
Vachement bien. Un roman qu'on pourrait qualifier de délicat au premier abord, tant il semble reposer sur pas grand chose, s'attardant sur le presque rien d'existences appelées à disparaître, dans un silence assourdissant. La narratrice semble ainsi tisser au fil des pages une sorte de toile aussi fragile que du fil d'araignée. 

Et l'air de rien, c'est un  drame intimiste franchement poignant que nous offre ainsi Kashiscke, avec cette approche aussi originale qu'efficace d'un récit qui ne va pas se contenter de se tenir à la lisière du fantastique, s'ancrant au contraire progressivement dans un contexte apocalyptique, avec un sentiment d'inéluctable bientôt insupportable. Douleur et beauté, poésie simple et justesse des sentiments se conjuguent ainsi dans ce texte puissant. Ce qui m'assure de futurs délices lorsque je me plongerai dans ses autres romans, qui semblent tout autant promettre cette singularité dans la vision du quotidien.




Chad Harbach, The Art of fielding (L'Art du jeu), 2011
Un premier roman prenant et émouvant, auquel son auteur n'a à ce jour toujours pas donné suite. Harbach nous fait partager avec beaucoup de sensibilité le quotidien d'une poignée de personnages, cohabitant dans une université du Wisconsin, en particulier les membres de l'équipe de baseball, les rêves qui sont dans leurs têtes, la vie qu'ils se fabriquent.

C'est un roman qui n'est pas évident à résumer ni à vendre, parce que ça n'a finalement rien de grandiose mais c'est écrit de façon très simple et très précise, parvenant à mêler le tragique au comique à la façon de ces grands romanciers américains que j'aime, l'atmosphère de campus m'évoquant aussi bien les étudiants des romans de John Irving que de Donna TarttQuand on finit un bouquin et qu'on n'a pas envie d'abandonner ses personnages, on peut en conclure qu'il est réussi. Des années après, je conserve encore le souvenir de son atmosphère et de ses personnages.




Marisha Pessl, Night film (Intérieur nuit), 2013
Excellent pavé, dont l'intrigue principale prend la forme d'une enquête sur un mystérieux cinéaste hollywoodien, auteur de films d'horreur à succès, ayant profité des légendes courant sur son compte pour mieux vivre en reclus. Pessl (je sais pas comment ça se prononce) construit un monde étonnamment crédible, tant dans sa vision du milieu que dans le comportement de ses personnages. La chasse aux indices et aux témoins est rendu passionnante par l'inclusion dans le corps du texte de photographies, photocopies et autres documents (y compris des pages Web). C'est très convaincant et pas du tout gadgeteux. Et surtout, il y a un mélange des tons vraiment efficace, qui rend la lecture captivante, puisqu'on enchaîne harmonieusement des moments de comédie franchements hilarants, à l'ironie savoureuse, à d'autres passages absolument flippants à faire dresser les poils.

Tout ça rend le roman un peu inclassable. Même si l'on est beaucoup dans les codes du thriller, on devine que pour l'auteur c'est pour mieux faire passer en douce une réflexion sur le pouvoir de la fiction, le goût de l'humain pour la fable contre la raison. Pour toutes ces raisons, et parce qu'il est aussi question d'un cinéaste maudit de série B, je n'ai pas pu m'empêcher de penser au Flicker de Theodore Roszak, que je tiens pour un chef-d'œuvre. Bref, une vraie maîtrise de la part de cette romancière dont il faudra que je lise le précédent bouquin, La Physique des catastrophes, qui avait eu plutôt bonne presse à sa parution faisant d'elle une sorte de jeune écrivaine prodige, donc forcément attendue au tournant du deuxième roman. 

15 février 2018

Le Cinéma de Ken Russell, 1975-1980

Tommy, 1975
Saisi par l'histoire hallucinante et hallucinée du messie pop Tommy, je trippe comme il faut face à ce torrent de visions délirantes, à l'interprétation furieuse de la superbe Ann-Margret, à la fraîcheur d'un Roger Daltrey plus christique que jamais, au charisme d'Oliver Reed, à la folie de Keith Moon, et aux orchestrations richissimes de Townshend. Et puis quelles chansons ! Les titres de l'album ont été réarrangés pour le film et personnellement j'aime beaucoup ces réinterprétations. C'est très riche et expressif, sans parler des compos exclusives comme Champagne. J'adore en particulier tous les titres interprétés pas Ann-Margret, actrice que j'ai toujours trouvée irrésistible. Le disque enregistré par The Who en 1969 — album conceptuel fondamental de l'Histoire du rock — apparaît en comparaison plus mesuré, presque plus fragile, et par conséquent sans doute plus attachant. Je ne me lasse pas de l'écouter. 

Ce qui m'a surtout frappé en revoyant le film c'est le luxe de moyens dont a disposé Russell. Certaines scènes comportent des centaines de figurants, dans des décors aussi impressionnants que vastes, et ça participe pas mal de la fascination qu'exerce ce spectacle qui exploite vraiment toutes les dimensions audiovisuelles. Une vraie réussite dans le genre finalement assez ingrat de l'opera-rock filmé, avec Pink Floyd the wall d'Alan Parker, que je vénère peut-être encore plus. Manifestement Russell et Daltrey s'étaient suffisamment bien amusés sur le tournage pour remettre le couvert dans la foulée avec l'improbable Lisztomania.




Valentino, 1977
Superbe rêverie hollywoodienne. Rudolf Noureyev incarne Rudolph Valentino. Choix étonnant puisque le danseur ne possède pas vraiment la beauté de l'acteur mythique mais il se révèle étonnamment convaincant. Et ses quelques scènes de danse en deviennent d'autant plus précieuses, en particulier lors d'une séquence où Valentino rencontre Nijinski. Leslie Caron et Seymour Cassel complètent le casting, l'une en diva russe homosexuelle, l'autre en impresario compréhensif. Le film démarre avec les émeutes qui ont accompagné les funérailles de l'idole puis se poursuit sous-forme de témoignages, un peu à la Citizen Kane. Valentino devra lutter contre les préjugés de son époque, passant des cabarets miteux aux villas californiennes tout en chérissant un rêve plus simple où il serait exploitant d'une orangeraie. Il serait intéressant de savoir la part d'authenticité et de délire quant à la vision de Valentino proposée par Russell et son scénariste, tant on sait que la rigueur historique est souvent loin des préoccupations du cinéaste dément.

La reconstitution de ces années folles est cependant fastueuse, tant dans le luxe des décors que dans le nombre de figurants et des costumes. Tout est vraiment magnifié ici, photographie de Peter Suschitzky et musique itou. Certaines scènes se laissent aller à l'outrance, marque de fabrique du réalisateur, en particulier lors d'une nuit cauchemardesque que Valentino passe en taule. On a également droit à un combat de boxe qui m'a inévitablement fait penser à Rocky, produit par les mêmes Chartoff et Winkler et sorti l'année précédente. Drame et humour se conjuguent ainsi pour livrer un portrait du mythe hollywoodien vraiment passionnant, surtout si on aime les films sur le sujet, puisqu'on y croise des personnalités comme Fatty Arbuckle, Rex Ingram, Jesse Lasky ou Joseph Schenck.




Altered states (Au-delà du réel), 1980
Le film est bien vendu par sa fascinante affiche et le nom prestigieux de Paddy Chayefsky au scénario, qui adaptait ici son propre roman. Le résulat est malheureusement loin d'être à la hauteur de ces attentes, Russell ruinant les prétentions scientifiques de son intrigue par une direction hasardeuse. On voit bien ce qui a pu l'intéresser dans l'histoire de ce savant fou, héritier du Dr. Jeckyll en ce sens qu'il est prêt à expérimenter sur sa personne pour retrouver sa part animale. 

Russell semble n'y avoir vu qu'un prétexte à une science-fiction hallucinatoire un peu facile, basculant un peu trop souvent dans de grotesques manifestations. William Hurt donne de sa personne mais on sent qu'il est en roue libre. Altered states mériterait éventuellement d'être revu, mais dans mon souvenir ça reste un film assez décevant, dont on pourra dire au mieux qu'il préparait le terrain au Cronenberg de The Fly. 

12 février 2018

Histoire permanente du cinéma italien, 1976

Roma l'altra faccia della violenza (L'Autre côté de la violence), Franco Martinelli (aka Marino Girolami), 1976 
Réalisé sous pseudo donc, par Marino Girolami, dont le frère Romolo Girolami œuvrait parallèlement dans le même genre du polar urbain italien, le poliziottesco. Prenant Rome comme terrain de jeu, le film se montre particulièrement bien bas du front, avec un penchant marqué pour l'improbable, à la grande jubilation des amateurs de bisseries. Malgré un temps de présence à l'écran pourtant conséquent, les flics n'ont quasiment rien à faire. Menée par un Marcel Bozzuffi encore auréolé de sa participation à The French connection, l'enquête piétine, et on s'ennuie un peu à voir ses gars passer des coups de fils inutiles, puis préparer minutieusement des opérations qu'ils annuleront finalement au dernier moment. Tout le boulot sera en fait effectué par le père d'une jeune fille assassinée, transformé en exterminateur et traquant les responsables. 

Le film se permet d'aller assez loin dans la représentation du sexe (une scène de viol bien complaisante) et de la violence (explosions de tripaille au ralenti). Et on est surpris par quelques vraies bonnes idées qui surnagent et témoigneraient presque d'une volonté de zèle, de dépasser les faibles exigences de ce qui relève avant tout du cinéma d'exploitation. Ainsi le fait d'avoir réussi à placer au milieu de tout ça un conflit générationnel entre père et fils. Cerise sur le gâteau, derrière le divertissement, les scénaristes ont la prétention de tenir un discours bien rageur sur la violence qui mine la société... mais qui n'est pas celle qu'on croit. En effet, la police préfère ici arrêter des faux coupables dans les bas-fonds de Rome, alors que les vraies crapules sont les jeunes désœuvrés des quartiers rupins. Dans les deux cas, la représentation est aussi peu subtile qu'involontairement drôle.




Salo' o le 120 giornati di Sodoma (Salo ou les 120 journées de Sodome), Pier Paolo Pasolini, 1976
L'histoire du manuscrit des 120 journées de Sodome est un roman à lui seul. Rédigé en prison, il fut perdu par son auteur, et on se demande même s'il était destiné à être publié tant Sade y fit preuve d'un radical affranchissement de toutes règles. Le texte s'impose à nous comme une expérience absolue où la forme et le fond font corps comme rarement. C'est sans doute le bouquin le plus puissant de l'écrivain, sorte de point de non-retour qui teste la capacité du lecteur à tout lire, et c'est exactement le pari réussi du film de Pasolini, dont on se demande là encore comment il a pu être produit.

Sade situait très précisément son récit à la fin du règne de Louis XIV, qui dilapida les richesses du royaume en guerres et fastes. Ce qui amena à une période de permissivité assez folle dont profitera la Régence à suivre. Les riches seigneurs n'étaient alors surveillés par personne, se croyant tout permis, vivant en autarcie dans leur propres terres, comme dans une enclave autonome. En projetant cette histoire dans l'Italie des derniers soubresauts du fascisme, Pasolini lui redonne sa portée universelle. La République de Salo tentait de recréer un monde au sein d'un autre, avec ses propres lois et peut-être la conscience d'une catastrophe imminente rendant désormais caduques tous les tabous. Le processus de déshumanisation qui est impitoyablement exécuté à l'écran est alors d'autant plus horrible qu'il s'inscrit dans une mécanique, une rigueur qui finalement sont eux aussi les fruits d'une humanité. Descente aux enfers sans échappatoire, plongée vers l'abîme sans révolte, c'est un film dont je ne conseillerai pas plus le visionnage que je ne me l'imposerai de nouveau. Tout comme le livre, c'est une œuvre qui marque au fer rouge, et dont le simple fait qu'elle existe a presque autant de valeur que le fait de la regarder. 




Cattivi pensieri (Qui chauffe le lit de ma femme ?), Ugo Tognazzi, 1976
Un riche avocat milanais (Tognazzi) rentre chez lui plus tôt que prévu. Il aperçoit dans son cagibi les pieds nus d'un homme mais, au lieu de faire un scandale, ferme le cagibi à clé et embarque sa femme (Edwige Fenech) en vacances, espérant qu'elle se trahira toute seule. Dans cette attente, il va se mettre à fantasmer toute une série d'hypothèses sur l'identité de l'homme qui l'a rendu cocu. Ces scènes de fantasme auraient pu être bien délirantes, or Tognazzi manque un peu tristement d'imagination, préférant se contenter de livrer des scènes sexy et un peu vulgos, mettant bien en valeur la plastique parfaite de la Fenech. Il imaginera par exemple sa femme nue au bord de la piscine, entourée de mâles au sexe géant, ou bien se faire prendre dans le foin par un propriétaire de chevaux, excitée par la vision d'une saillie chevaline (filmée en gros plans, merci Ugo).

C'est évidemment pas désagréable à l'œil, mais on aurait aimé davantage de loufoquerie, surtout de la part de quelqu'un qui a été nourri au meilleur de la comédie italienne, celle des Risi et autres Monicelli. Ça reste bassement paillard, et Tognazzi ne fait pas vraiment d'étincelles du côté de la réalisation. Le meilleur est sans doute ce qui concerne la caractérisation de son protagoniste — mâle franchement odieux — et de toute la grande bourgeoisie qu'il fréquente, entre parties de chasse et grands hotels de luxe. C'est d'ailleurs toute la société italienne qui en prend pour son grade, les services publics, les syndicats, etc. Une touche satirique minimale, mais qui relève un peu l'intérêt du film.

9 février 2018

Jonathan Coe : 2 romans

The House of sleep (La Maison du sommeil), 1997
Prix Médicis étranger. Fasciné depuis toujours par ces questions, je ne pouvais qu'apprécier ce roman qui prend le sommeil pour sujet, les rêves, les insomnies et la narcolepsie. Coe enrichit de plus sa trame narrative par une construction très alambiquée qui mêle les époques et tisse des liens savants entre les personnages. 

Mais je n'ai pas trouvé l'auteur très convaincant dans la peinture qu'il fait de ces mêmes personnages, qui n'échappent pas toujours à la caricature et qui, par conséquent, ne m'ont pas beaucoup touché. De même, le choix d'un traitement occasionnellement satirique ne m'a pas semblé s'harmoniser avec d'autres moments qui eux cherchent plutôt à susciter de la gravité. La satire est d'ailleurs un peu facile, donc sans surprise. Et lorsque le roman tente un peu de louvoyer vers la figure fantastique du savant fou, on perd encore ce qui restait de crédibilité. En conséquence de quoi, on en vient à reconsidérer la profondeur et l'importance des tourments que vivent les personnages. Bref, c'est plutôt ambitieux dans la forme, mais — si je puis me permettre un tel jugement — je n'ai pas trouvé le roman pleinement abouti.




Expo 58, 2013
L'histoire est relativement anecdotique, et fait de ce Expo 58 un roman sans prétention, si ce n'est sans grande ambition. Mais cette volonté de légéreté n'en est pas moins distrayante tout du long. Manifestement documenté, Coe nous projette dans une époque où beaucoup de choses sont en train de basculer, en particulier sur le plan de la politique internationale, mais aussi de la société, et des relations humaines. Pour le romancier, c'est donc un formidable terrain de jeu pour y nouer ses intrigues, entre retenue so british, romance à l'eau de rose et espionnage de série B. On savoure également le grand talent de dialoguiste de Coe, nous offrant des échanges souvent tordants. 

C'est en fait avec ce titre bonne pioche que j'ai découvert l'auteur, qui a suffit à me donner l'envie de prolonger ma découverte. The House of sleep ne m'aura pas convaincu, de même que l'adaptation cinématographique de La Vie très privée de Mr Sim, mais sans doute aurais-je été plus avisé de me pencher sur ses romans plus réputés (Testament à l'anglaise, Bienvenue au club).

6 février 2018

Histoire permanente du cinéma français, 2010-2013

Memory lane, Mikhaël Hers, 2010
J'aurais aimé aimer mais la déception l'a malheureusement emporté. Les sujets abordés avaient tout pour me toucher. Je suis en général friand de tout ce qui fonctionne sur le non-dit, l'implicite et le creux, mais c'est ici l'impression de banalité qui l'a emporté. Mieux vaut ça que de verser dans l'artificiel et le fabriqué, sans doute, mais si tout "fait vrai" c'est au service d'un récit sans surprise. Je perçois parfaitement les intentions, mais à l'arrivée ça m'a semblé manquer de force, donc de profondeur. Trop l'impression d'une suite de séquences disparates qui mettent en scène des (nos ?) vies toutes simples, des sentiments pudiques mais filmés avec une délicatesse telle qu'elle conduit à un manque de vitalité. J'espérais en effet une mise en scène un peu plus concernée, une photographie un peu moins terne, j'ai même trouvé d'embarrassants moments (le ralenti de la scène de danse qui ne m'a pas du tout convaincu). Bref, Hers ne m'a pas donné assez à manger en tant que spectateur. Et j'ai quitté son petit monde sans beaucoup d'émotion.

En même temps c'est un peu sévère parce qu'il y a clairement une écriture personnelle ici à l'œuvre, dans le montage, dans les silences et l'observation, qui permet au moins de suivre ça sans ennui. Et c'est là qu'il faut louer la troupe d'acteurs, tous excellemment bien choisis (les jeunes mais les parents aussi). Mention spéciale à Thibault Vinçon qui a une présence assez fabuleuse, et Dounia Sichov qui imprime assurément la pellicule. Leur naturel de jeu est plein de charme et permet heureusement de faire exister leurs personnages. J'en viens alors à surtout considérer ce film comme une super bande démo pour le talent de ces jeunes interprètes (genre les Rendez-vous de Paris II) et non comme quelque chose de pleinement abouti. Et je demeure curieux de découvrir les autres films du cinéaste, notamment ses premiers courts qu'on m'a pas mal vantés.




L'Ordre et la morale, Matthieu Kassovitz, 2011
Le réalisateur se tient à une reconstitution la plus authentique possible, et se retient donc d'enrichir sa trame d'éléments mélodramatiques, et en même temps cette rigueur parvient à mettre en lumière avec une juste sensibilité l'humanité des personnages, qui échappent quasiment tous à la caricature (y compris le ministre Pons ou le personnage du Général, qui révèlent être eux-mêmes pris dans le jeu politique où on ne discute plus). Après, j'ai pas trouvé ça très bien écrit, les dialogues sonnant un peu trop ampoulés, mais ça peut passer si on considère qu'ici tous les personnages sont des militaires. Et l'interprétation ne m'a pas particulièrement épaté, alors qu'il y a une vraie volonté de construire un drame habité. Se détachent heureusement le duo principal avec un Kassovitz impeccable et un fascinant parce qu'imprévisible Iabe Lapacas dans le rôle d'Alphonse Dianou.

À vouloir être si près des faits, le film n'est du coup pas non plus passionnant tout du long, mais c'est une démarche honorable, qui évite la lourdeur de la dénonciation sans nuance. Au contraire, on a là l'exposé d'un vrai désastre de gestion de crise, et c'est tellement rare dans le cinéma français de traiter d'actualité que c'est en soi remarquable (bon, avec 25 ans de retard mais c'est toujours bon à prendre). Ça pourrait être scolaire, mais on n'a heureusement pas du tout affaire à un produit télévisuel, Kassovitz montrant dès son ouverture son ambition de faire du cinéma, avec des effets certes souvent voyants mais qui ne versent jamais dans le mauvais goût. Et lorsque l'action s'impose, il livre deux morceaux à l'intensité redoutable, inventifs et fonctionnant vraiment bien. Musique atypique et pertinente de Klaus Badelt, interprétée par les Tambours du Bronx, mais n'offrant finalement aucune variation, juste là pour ponctuer les moments de tension.




Nos héros sont morts ce soir, David Perrault, 2013
J'ai adhéré, enthousiaste à chaque choix formel, n'y ait trouvé aucune faute de goût, suis même resté admiratif de la maîtrise du cinéaste qui fait le pari toujours risqué de l'onirisme. Le film est porté par une caméra qui sait capter et transmettre le mouvement. Et puis il y a une histoire originale, riche d'évocations, avec ce concept très fort du double et de l'échange qui va permettre l'exploration de plein de variations à la fois poétiques et bien enracinées dans du réel. Car s'il y a l'âme, il y a aussi le corps. Ou plutôt les corps, tant Perrault joue avec ceux de ses acteurs. Ceux-ci sont tous bons, présences et voix marquantes. 

J'ai cependant été un peu déstabilisé, ne sachant trop au départ quel personnage vraiment suivre. Le film s'ouvre sur Victor mais c'est Simon qui par sa voix off fait figure de narrateur (si j'ai bien suivi). Comme si les personnages se faisaient déjà de l'ombre. Le rythme du film accepte les digressions nouvelle-vaguesques en chambre à coucher, traitant parfois certaines scènes comme des petits morceaux de cinéma, et les dialogues pétillants fonctionnent toujours merveilleusement. De Polanski à Godard, en passant par le film noir français des années 50, avec ses bistros et ses voyous, les influences sont visibles mais digérées avec intelligence, sans jamais sombrer dans un fétichisme froid ni dans le clin d'œil trop appuyé. En fait c'est un superbe objet à commenter. Un objet singulier, pointu (donc pour un public de niche), mais j'ai personnellement vraiment aimé avoir cette impression d'un auteur libre de fabriquer une vision qu'on devine pensée, et bien pensée, du début à la fin sous tous ses aspects. On retrouvera ces mêmes maîtrise et originalité à l'œuvre dans son excellent court No hablo american.

5 février 2018

Histoire permanente du cinéma italien, 1970-1974


Citta' violenta (La Cité de la violence), Sergio Sollima, 1970
Au vu de la poignée de films que j'ai vus de Sollima (Saludos hombreRevolver, des réussites magistrales), c'est peu de dire que j'abordais la découverte de ce nouveau titre — réputé qui plus est — avec confiance. L'ouverture sèche et sans dialogue où l'action est reine fait effectivement illusion. Mais j'ai attendu en vain que le film prenne corps. Le réalisateur a beau jouer l'épure à tous les étages, avec un récit basique de vengeance et d'amour, le résultat m'a semblé trop peu habité, à l'image de cette longue et soporifique scène d'observation de course automobile au montage hasardeux. Et ce n'est pas le visage monolithique de Chuck Bronson qui viendra nourrir la tension.

Son personnage de cowboy solitaire reste jusqu'au bout impénétrable. Mais vu la façon dont il se fait berner par la duplicité aussi évidente que constante de Jill Ireland, on cesse vite d'être impressionné par sa froideur, et on se retrouve plutôt consterné par son peu de jugeotte. Alors oui, on va mettre ça sur le compte de l'amour-qui-rend-aveugle, mais le héros demeure tout de même victime d'une machination assez improbable. Sans parler du traitement de Telly Savalas, big boss plus amusant que menaçant, personnage le plus bavard du film qui semble surtout là pour justifier que la production ait fait appel à une demi-douzaine de scénaristes (parmi lesquels Wertmuller en plus de Sollima). 

Le réalisateur profite plutôt bien de l'opportunité de donner à son film une couleur américaine, exploitant notamment de beaux paysages de Louisiane qui changent un peu des polars urbains italiens, genre duquel il relève finalement peu. D'ailleurs je ne m'explique pas ce titre de Cité de la violence, puisque l'action se passe le plus souvent loin des villes, et qu'on n'a pas de commentaire socio-politique particulièrement appuyé ? Je n'en retiendrai vraiment que le final, moment aussi tragique sur le fond que baroque dans la forme, où le talent de Sollima se rappelle à notre bon souvenir. Si tout le film a été mis en chantier pour cet unique morceau, ça peut éventuellement se pardonner. Mais pour une fois que j'avais l'opportunité d'enrichir ma découverte de l'œuvre plutôt rare de ce cinéaste, je ne m'attendais pas à être aussi déçu.





Pane e cioccolata (Pain et chocolat), Franco Brusati, 1974
La comédie à l'italienne, pour moi c'est toujours du bonheur en perspective, et j'aime en voir et revoir les films sans lassitude. J'adore ce cinéma pour la troupe de délicieux acteurs qui s'y relaie, mais surtout pour son subtil mélange de drame et de drôlerie, pour cette capacité (voire cette perversité) à passer de l'un à l'autre. Ce sont des films souvent riches, comme la vie, où les personnages acquièrent leur existence autonome, montrés autant dans leurs faiblesses que dans leur noblesse, ne se contentant pas d'être de simples supports à gags comme dans les comédies strictement loufoques (la frontière, c'est vrai, est parfois mince). Un truc que plus près de nous un cinéaste comme Pierre Salvadori avait pas mal réussi dans ses premières œuvres, avec ses personnages toujours en galère. Au milieu des grands maîtres qui ont d'ailleurs souvent collaborés ensemble (les Risi, Monicelli, Age et autres Scarpelli), je tiens en très haute estime Franco Brusati, dont je n'aurais pourtant vu que ce seul titre, ce Pain et chocolat que je considère comme un sommet du genre, rivalisant sans peine avec les chefs-d'œuvres de Scola.


Mettant à l'honneur un Nino Manfredi bouleversant d'humanité, Pain et chocolat raconte les péripéties pathétiques d'un émigré italien fasciné par cette sorte d'idéal qu'est à ses yeux le mode de vie suisse. Les beautés du film viennent pour l'essentiel de son imprévisibilité, bousculant sans cesse les attentes et les certitudes du spectateur. Maître d'œuvre, Brusati impose ainsi de radicales ruptures de ton : on se marre franchement à certaines scènes jusqu'à ce que soudain tout bascule et que le rire s'étrangle au fond de la gorge. Le film enchaîne ainsi les scènes d'anthologie. Parfois cruel, jamais cynique, toujours tendre. Un bijou.




Prigione di donne (Pénitencier de femmes perverses), Brunello Rondi, 1974
Injustement incarcérée pour une histoire de trafic de drogue, une jeune Française découvre l'horrible réalité des prisons pour femmes, basculant progressivement de l'humiliation à la révolte. J'avoue avoir beaucoup apprécié l'inattendue et surprenante poésie à l'œuvre dans ce film. Rondi part en totale roue libre, sans doute pas aidé par le remontage aberrant des distributeurs français (raccords son/image régulièrement foirés). Les réactions des personnages, leurs dialogues semblent constamment à côté de la plaque, surjouant la carte de l'excès et laissant à chaque fois le spectateur atterré par l'incongruité de certaines scènes : de l'hystérie collective des détenues devant des images de bateaux de pêche, à l'héroïne hurlant « Martine ! Je m'appelle Martine ! Entendez mon nom ! », en passant par les crises de larmes de ladite Martine devant le feu de joie des prisonnières révoltées. Un spectacle véritablement fascinant qui fait qu'on attend chaque nouvelle séquence avec une vraie gourmandise perverse. Comment garder son sérieux face à un dialogue tel que celui-ci, murmuré sur un coin de couette dans la cellule : « — J'entends des pleurs... ou des chants... quelqu'un qui pleure... quelqu'un qui chante... — Ce sont les murs... les murs qui chantent... »

On sent que le réalisateur est en colère, fustigeant les institutions aussi bien familiales que religieuses, politiques ou sociales (le directeur de la prison et l'avocat sont deux croûlants). Ce violent réquisitoire est sans doute sincère, le générique mentionne d'ailleurs la présence d'un criminologiste comme consultant. Mais toutes ces prétentions sont bien vites ruinées par des inserts pornos, scènes de douche, masturbation, et autres stripteases qui remettent bien vite le film sur les rails du pur cinéma d'exploitation. On devine que les interprètes principales ont été davantage choisies pour leur physique que pour leur talent d'actrice (parmi elles, la coléreuse Marilù Toloadepte des westerns spaghetti). Et on pourra légitimement considérer que la protagoniste injustement emprisonnée fait franchement peu d'efforts pour démontrer son innocence. 

Si on devait en tirer une morale, ce serait de se méfier des ruines. On y rencontre en effet de jeunes toxicos qui vous planquent des sachets louches dans les poches au moment où les flics décident de faire une rafle. Et oui, c'est le même Rondi qui a scénarisé ces merveilles de sensibilité et de poésie que sont Europa '51La Dolce vita ou Fellini-Satyricon.