2 février 2018

Du romanesque français 90's


Amélie Nothomb, Hygiène de l'assassin, 1992
Mon premier (et dernier ?) Nothomb. Pas du tout aimé cette démonstration de la toute-puissance de la romancière, qui plie impitoyablement ses personnages à ses jeux de machination, au lieu de s'efforcer de convaincre le lecteur de leur autonomie. Hygiène de l'assassin se présente comme une suite de dialogues, réduisant sans doute volontairement les didascalies, me donnant l'impression par conséquent de tenir davantage du théâtre que de la littérature (et je suppose qu'en plus du film avec Jean Yanne, le texte s'est aussi prêté à des transpositions sur scène).

Parce que tout est donc ici affaire de réthorique, j'espérais une sorte de tour de force éblouissant avec des rebondissements qu'on ne voit pas venir, et donc au moins un peu de jubilation à l'idée d'avoir été manipulé. Mais aucun frisson pour ma part, juste ce sentiment déplaisant de l'épate gratuite, au sein de laquelle les quelques réflexions sur l'art du roman n'ont pas vraiment réussi à m'accrocher.




Danniel Pennac, Messieurs les enfants, 1997
Je ne m'attarderai pas ici sur l'importance qu'eut pour moi dans mon parcours de lecteur la découverte de Pennac via la première trilogie des aventures de son Benjamin Malaussène, bouc-émissaire professionnel de Belleville. Son univers décalé de roman de gare, le style délicieusement inventif de son écriture, le ton tragi-comique, tout semblait soudainement concorder magiquement avec une sorte d'idéal du roman que je nourrissais à l'époque. J'avais un peu perdu de vue l'auteur depuis, tout en continuant à lui accorder ma plus grande sympathie.

Démarré un peu comme une blague, littéralement comme un développement en roue libre d'un sujet de rédaction, Messieurs les enfants s'assume derrière sa fantaisie comme une vraie fable. On est dans le registre de la comédie d'inversion de corps, tel qu'Howard Hawks l'avait illustré dans Monkey business ou comme dans les différentes versions de Freaky friday, auxquelles on peut aussi ajouter le Big de Tom Hanks. C'est un récit aussi drôle que touchant, animé par le style farfelu et plein de liberté de Pennac. L'auteur a vraiment un talent sans pareil pour exprimer ce qui fait le cœur de l'enfance, son innocence mais aussi sa rage. Très chouette.




Tonino Benacquista, Saga, 1997
Après une série de romans noirs remarqués, l'auteur faisait ici son entrée dans la prestigieuse collection blanche de Gallimard. Ça faisait longtemps que je voulais le lire, fort alléché par son génial postulat : une bande de scénaristes losers auxquels une chaîne de télévision commande l'écriture d'une série que personne ne verra, diffusée dans la nuit uniquement pour remplir les quotas de création française. Profitant de ce qui va s'avérer être un espace de totale liberté, les auteurs vont progressivement distiller des idées de plus en plus subversives, et la série devenir un phénomène de société aux surprenantes répercussions.

À défaut d'être vraiment brillant, le style a l'avantage d'être efficace. Les situations manquent souvent de crédibilité, la réflexion sur le métier d'écrivain n'est pas des plus captivantes. J'ai surtout mis du temps à accepter que Benacquista avait finalement davantage pour ambition de composer une fable, là où je pensais trouver du réalisme, même sous l'angle de la satire. C'en est parfois frustrant, mais je reconnais que ça repose sur une attente déplacée de ma part. Au final, une lecture agréable mais qui ne m'a pas plus touché que ça, et qui ne tient pas toutes les promesses de son fantastique sujet.



Michel Braudeau, Pérou, 1998
Il s'agit d'un court récit se déroulant dans le Pérou des années 60, qui évoque l'amour troublant ressenti par un jeune professeur enseignant le français pour une lolita d'une quinzaine d'année. Autobiographie, autofiction, ou pure fiction, on se gardera de trop creuser la question.

Comme dans le superbe Naissance d'une passion, fresque romanesque qui m'avait énormément marqué, Michel Braudeau parvient à ciseler une écriture pleine de douceur et de poésie, et nous régale d'un style absolument admirable, pour une histoire fragile toute de pudeur et de sensibilité.

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