13 mars 2018

Histoire permanente du cinéma italien, 1980-1983

Io e Caterina (Moi et Catherine), Alberto Sordi, 1980 
Riche exportateur de vin, Alberto Sordi ramène de son voyage d'affaires aux États-Unis un robot-domestique du nom de Catarina. Il va en profiter pour se débarrasser non seulement de sa bonne trop capricieuse, mais aussi de sa femme qu'il n'aime plus, comme de sa maîtresse qu'il juge trop exigeante (Catherine Spaak). Dans un premier temps, ce type qui s'était montré ouvertement antiféministe va nager dans le bonheur le plus total, fasciné par son nouveau jouet. Jusqu'au jour où celui-ci se met à prendre d'étranges initiatives, préférant par exemple traîner devant la télé et remettre le ménage à plus tard. Le soir où il invite une jolie fille (Edwige Fenech), anciennement employée par sa femme dans sa boutique de fringues,sera l'occasion d'une crise de jalousie particulièrement agressive de la part de Catarina qui va foutre en l'air sa baraque et le menacer avec un couteau. Devant les ingénieurs, elle affichera un comportement normal, puis de nouveau seule avec Sordi, elle lui avouera qu'elle l'aime et qu'elle a pris conscience de son existence, s'exprimant désormais à la première personne.

Sur ce postulat faussement S.F., voilà un film assez marrant, même si sans réelle surprise quand à son déroulement. Sordi est vraiment génial, et s'avère pour le coup excellent réalisateur, profitant du décor hallucinant de la maison, une véritable œuvre d'architecte conçue par Lorenzo Baraldi. La conclusion du film se teinte en plus d'une tristesse inattendue, prenant une dimension prophétique où le rêve du mâle italien se serait transformé en cauchemar.





I Predatori di Atlantide (Atlantis interceptor / Les Prédateurs du futur), Ruggero Deodato, 1983
Suite à la découverte en pleine mer d’une tablette d’origine atlante et d'un sous-marin nucléaire russe, une île surgit des flots provoquant une soudaine tempête. Au même instant, les villes côtières se retrouvent envahies par une armée de barbares vêtus de cuir et conduisant des véhicules customisés, massacrant tout sur leur passage. Un petit groupe de survivants aux profils variés — et parmi eux une scientifique qui détient peut-être la clé du mystère — va leur tenir tête...

Un très très chouette film d'aventure gentiment nanar, une série B qui n'a sans doute pas les moyens de ses ambitions mais force la sympathie par son mélange décomplexé des genres : film d'aventures, de guerre, de jungle, de zombie, survival, post-apocalyptique, horreur, peplum... Deodato pompe généreusement à droite à gauche, de Zombie à Mad Max en passant par Indiana Jones, et anticiperait presque sur Predator et The Abyss. Les personnages sont attachants, même si la logique de leurs actions laisse souvent à désirer, avec des dialogues en VF toujours bien surprenants et marrants. Le film n'est pas évident à cataloguer, passant des péripéties les plus bon enfant à des éclats de violence pas vraiment tous publics. On compte un nombre de morts assez incroyable. Par centaines, des figurants punks grimés tous plus absurdement les uns que les autres viennent tomber sous la mitraille, à pied, à moto ou en voiture, lors de cascades plus ou moins bien réglées. Le rythme est ainsi assez alerte et on en sort avec plein de questions non résolues dans la tête.




I violenti / Emanuelle fuga dall'inferno (Révolte au pénitencier de filles), Bruno Mattei, 1983
On notera le titre français bien bidon, étant donnée l'absence de révolte. De la part du bourrin Bruno Mattei, je ne m'attendais pas à une mise en scène aussi soignée. Il y a une vraie ambition formelle : éclairages moches mais travaillés, vrais travellings, composition savante du cadre. Mattei fait donc du zèle, et on sera tenté de mettre cet effort sur le compte de Claudio Fragasso qui l'aurait secondé à la réalisation (sauf que Fragasso c'est aussi Troll 2, et ça ne plaide pas trop en sa faveur). Le film est un représentant tardif — donc dégénéré — du genre Femmes en prison, avec gueules sadiques des matrones, administration corrompue et rivalités entre détenues. On sort un peu des rails avec cette intrusion de quatre bandits psychopathes qui se lancent dans une sanglante prise d'otage. On bascule alors dans le film d'action (poursuite en bagnole, fusillades), dans un environnement rendu d'autant plus sordide que la production a manifestement peu de moyens. J'ai bien aimé l'assaut minable du GIGN local mené par un sosie de Jean Lefebvre, molasson comme c'est pas permis : trois d'entre eux portent un masque à gaz sauf le quatrième qui s'encombre d'une caméra. Mention spéciale à "Helmut", le méchant aryen pas blond mais complétement fou, cabotin impayable, tract vivant pour la méthode Stanislavsky et dont j'espérais une fin plus gore (on échappe de peu à l'éviscération).

"Star" du film, la Black Emanuelle (oui, oui, un seul "m") Laura Gemser est catastrophique et son personnage est sans doute le moins intéressant du lot. L'intrigue se résoud avec une cavalcade à pieds hilarante entre deux types bien handicapés par leurs blessures et une Emanuelle qui suit derrière comme une roue de secours. La fin est bien cocasse également. Alors qu'elle est emprisonnée à tort et qu'elle a prêté main-forte aux autorités, Emanuelle retourne derrière les barreaux avec la promesse que son procès sera favorablement révisé. Vu l'état du système judiciaire dont témoigne le délabrement du décor qui sert de prison, on devine qu'elle pourra encore y croûpir le temps de 2 ou 3 autres films, celui-ci étant déjà une suite. Et tout ça se termine sur ce dialogue vertigineux qui laisse le spectateur sortir de la salle la tête remplie de passionnantes réflexions métaphysiques :
« — Vous pensez que tout ce sang versé aura changé quelque chose ?
— Peut-être... »

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