6 mai 2018

Deux films de Peter Hyams

Capricorn one, 1978
De la bonne vielle S.F. seventies teintée d'espionnage. Dans les films de cette époque (je pense notamment au formidable Twilight's last gleaming d'Aldrich), l'ennemi vient souvent de l'intérieur, sapant la confiance du public en ses institutions. Au programme : ambiance paranoïaque, manipulations gouvernementales, intimidation de la presse, grand complot ayant pour but de préserver les intérêts de la nation et de groupes occultes internationaux. Le pitch est tout simplement génial, avec la NASA qui pour éviter un échec qui verrait son budget réduit, décide d'opter pour la prudence et reconstitue en studio une mission sur Mars. Un idée avec lequel s'amusera encore des années plus tard William Karel pour son documenteur Opération lune.

Auteur complet (scénariste, directeur photo, réal), Hyams emballe ce chouette film avec une belle maîtrise du format scope et signe des dialogues vraiment excellents, avec de régulières pointes d'humour bien piquant, un aspect assez inattendu qui s'avère finalement bienvenu, évitant au film toute lourdeur. Il y a vraiment de belles idées, comme lorsque les cosmonautes s'échappent et se retrouvent perdus au milieu d'un désert dont la surface rappelle ironiquement la surface de Mars qu'ils n'auront pas foulé. 

Dans sa dernière partie, le film abandonne un peu ses ambitions et cette dimension paranoïaque qu'il a portée pour se transformer en une course poursuite pure et simple. L'occasion de nous coller à notre siège en particulier lors d'une hallucinante scène d'action avec un biplan chassé par deux hélicos, faisant des cabrioles insensées. Mentionnons enfin un Love theme de Goldsmith aux arrangements délicieusement sirupeux.




2010 the year we make contact (2010 l'Année du premier contact), 1984 
Il est certain que de faire une suite quinze ans après au chef-d'œuvre hors catégories de Stanley Kubrick ne s'imposait en rien. Mais dès lors qu'Arthur C. Clarke s'est senti légitime à en imaginer un prolongement dans son roman 2010 odyssée deux (paru en 1982), Hollywood a du se sentir obligé de s'y coller. La franchise s'est cependant arrêtée là, et il ne me semble pas qu'un quelconque projet d'adaptation des tomes suivants écrits par Clarke ait jamais été envisagé. Il faut reconnaître à Hyams — qui signe ici également le scénario — le courage de s'être frotté à cet intimidant monument. Reste que cette suite doit être considérée loin de son prédécesseur. Elle ne joue tout simplement pas dans le même tableau. En l'état, on se retrouve néanmoins face à un spectacle rondement mené qui retombe certes sur une dramaturgie conventionnelle mais néanmoins solide. Les effets visuels sont splendides, la mise en scène est classieuse de bout en bout, Hyams se montrant toujours inspiré dans ses cadrages et sa gestion de la lumière, qu'il s'agisse des scènes terriennes ou des séquences spatiales qui profitent pleinement de l'esthétique emblématique du film de 1968 et de designs signés Syd Mead. Et puis le casting est plaisant, qui contient du John Lithgow, du Roy Scheider, du Bob Balaban et de la Helen Mirren.

Tout comme Rocky IV, fleuron du genre, ce titre s'inscrit dans cette période que connaît alors le cinéma hollywoodien des années Reagan, qui tentait d'aborder ouvertement le choc des deux blocs US/URSS, contrairement aux films paranos des 50's par exemple qui évoquaient la menace rouge de façon prudemment métaphorique. Entre films d'espionnage, de guerre, de SF, d'action et comédies, le sujet a été traité avec plus ou moins de lourdeur, dans un esprit soit d'opposition franche soit d'ouverture et de tolérance, sentant venir un possible dégel. Avertissement lancé aux hommes et à leur goût pour la guerre, 2010 nous propose un équipage spatial composé pour moitié de Russes et d'Américains, chacun ayant ses compétences. Evidemment, la méfiance règne au début avant de se rendre compte que dans l'espace et dans certaines situations, nous sommes tous égaux et devons nous entraider. Ce besoin de réconciliation devra urgemment être concrétisé sur Terre pour éviter que les intelligences extraterrestres nous règlent notre compte à notre place (ultimatums renouvelés à l'identique dans The Abyss ou Le Cinquième élément).

Au-delà de cet aspect qui pourrait faire croire que le film est gentiment désuet, c'est une œuvre attachante et qui se révèle même très émouvante en ce qui concerne le rôle joué par Hal, dont les dérapages de 2001 trouvent une convaincante explication. La fin de l'ordinateur est une scène qui me laisse à chaque fois complètement bouleversé, et je considère ça comme un véritable tour de force. Comment Hyams est-il parvenu à nous rendre cette entité aussi émouvante, c'est pour moi un mystère insondable et sublime. Pour conclure, je rappelerai que l'année 1984 fut un cru particulièrement réussi pour le cinéma de SF puisqu'on vit défiler sur les écrans des titres aussi majeurs que The Terminator, Dune, Starman, et un autre film dont le titre est une année, le 1984 de Michael Radford.

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